Home » Numéro 24-2022 » Stratégie d‘utilisateur » Une entreprise qui file un bon coton : Yohan De Wit, FR

Une entreprise qui file un bon coton

Il n’est pas rare de croiser des double actifs au sein des usines bavaroises de la société HORSCH. C’est parfois également le cas dans les filiales de la marque, à l’image de Romaric CHEVRIER, dans l’Est de la France, ou de Yohan DE WIT, dans le Sud-Ouest de la France. terraHORSCH a souhaité en savoir plus sur la double activité de ce dernier.

Yohan jongle entre ses deux passions : le matériel agricole et la gestion commerciale de son entreprise familiale « Jean Fil ». En tant que technico-commercial HORSCH sur le secteur Sud-Ouest, il assure le suivi du parc matériels, donne des conseils et soutient son réseau de concessionnaires dans la vente de la marque. En tant que Président de la société Jean Fil, il organise le suivi de la production du coton de l’exploitation familiale à travers l’ensemble de la filière textile et cherche des débouchés commerciaux pour les produits finis.

Pas facile, lui direz-vous, de passer de la cotte au polo en coton 100 %  français en quelques minutes. « J’essaye de ne pas mélanger les deux activités. Il faut savoir faire la part des choses ! »Les deux activités sont-elles si éloignées l’une de l’autre ? « Mon travail au sein de la société HORSCH me permet de rencontrer des agriculteurs de tout horizon, de comprendre leurs problématiques et de m’intéresser aux solutions qu’ils mettent en place sur leur exploitation, sous le prisme du machinisme et de l’agrononomie. En ce qui concerne l’activité propre à Jean Fil, je reste connecté à la terre sur l’exploitation familiale, je teste des rotations, des itinéraires techniques et communique de manière positive sur l’agriculture envers la Société française. Les deux métiers permettent donc de répondre à une seule problématique : les changements inhérents à l’agriculture moderne. Les restrictions d’usage de produits phytosanitaires, les aléas des prix des céréales sur le marché, les débouchés, la santé des sols, les coûts d’intrants et d’énergie, l’opinion publique sont des sujets qui doivent être pris à bras le corps, et j’y arrive grâce à une pointe de curiosité. »

Fils d’agriculteur

Yohan est un peu comme ce personnage de bande dessinée français, Obélix : il est tombé dans la marmite de l’agriculture dès son plus jeune âge. Son père et son oncle, agriculteurs-éleveurs hollandais, sont arrivés dans le Sud-Ouest de la France en 1979 où ils décident de reprendre une exploitation de 100 hectares de céréales et de 100 hectares de vignes . La culture de la vigne n’est pas une évidence pour eux, et il faut alors apprendre les fondamentaux. A l’arrivée de la deuxième génération, l’exploitation se scinde en deux. Désormais, le beau frère de Yohan ainsi que son frère gèrent 60 hectares de céréales et 60 hectares de vignes, tandis que le père de Yohan continue l’exploitation des hectares restants.
Le père de Yohan ne possède donc qu’une petite superficie de terres arables et doit trouver des solutions pour maximiser sa rentabilité. Il a donc privilégié les cultures à valeur ajoutée : maïs semence, betterave porte-graine, maïs pop corn, colza semence, haricots verts, comme bon nombre d’agriculteurs du Sud-Ouest de la France.
Il n’est pas anodin de quitter son pays pour travailler ailleurs, de surcroît dans une activité inconnue comme la viticulture. Vous remarquerez donc que Yohan a grandi sur un terreau fertile, propice à l’esprit d’entreprendre. Et quelle est donc la vision de l’agriculture propre à Yohan ?

Toucher le consommateur dans son quotidien pour attirer son attention

Yohan confit : « J’ai toujours eu 36 000 idées à la minute. Mais j’avais peur de me lancer sans appui, et il était évident pour moi que je ne pouvais travailler sans mon beau frère et son frère. J’attendais toujours leur approbation. Nous sommes en effet trois amis d’enfance aux savoirs complémentaires. Mederic et Samuel sont très forts sur la partie agronomique, et moi sur la partie communication et industrie ».
Et puis, un jour, ils lancent tous trois l’idée de la culture du coton. « Nous sommes partis d’un constat simple : que font les français au quotidien ? 1-Ils mangent ; 2-Ils boivent ; 3-Ils s’habillent. En tant qu’agriculteur, nous les nourrissons déjà. En tant que viticulteurs, nous les abreuvons. Et si nous les habillions ? C’est la qu’est venue l’idée de gérer l’ensemble de la filière de la production du coton jusqu’à la réalisation de vêtements.

Il a été difficile de mettre en route la machine, d’autant plus que l’exploitation familiale est la seule en France à tenter cette aventure saugrenue. Il a fallu tout d’abord faire de la recherche variétale, des tests d’implantation, trouver des semences de coton certifiées européennes, puis conclure un contrat auprès d’un semencier, avec interdiction de multiplication. L’équipée a mené une année de tests (2016 avec 6 graines semées dans le jardin), puis s’est lancée dans le vide avec 2 hectares en 2017, 4 hectares en 2018 et 14 hectares en 2019.
« Je ne dévoilerai pas ici les secrets de fabrication ! Car il a fallu investir du temps et de l’argent pour finaliser la rotation culturale sans mettre en danger ni les rendements du coton ni des autres cultures. Nous avons essuyé des plâtres et nous devons désormais rentabiliser nos choix.»
Le but ultime de cette aventure est de créer un produit 100% français. « C’est ce que l’on désire à titre personnel, car la France a une très longue histoire dans le domaine du coton. Nous sommes dotés de toute la technologie et de tout le savoir faire en France pour filer, teindre et tisser. Nous ne voulions pas que cela se perde. Nous voulons également marier l’agriculture et l’industrie. L’industrie ne peut pas vivre sans l’agriculture ! On oublie qu’une grosse partie de la matière première provient de la terre. »Aujourd’hui, le coton gersois fait la fierté de ses producteurs : il effectue environ 2.400 kilomètres dans l'Hexagone pour devenir un polo, alors qu'en moyenne, un T-shirt fait 65.000 km avant d'arriver sur les épaules de son utilisateur. Jean Fil, la société de Yohan, Mederic et Samuel produit à l’heure actuelle 6000 polos et t shirts par an, sur une collection de 10 modèles.

S’adapter aux changements climatiques par necessité

« Je respecte les choix de mes collègues agriculteurs qui misent beaucoup sur l’agriculture biologique. Mais ce n’est pas mon cheval de bataille. La Société française confond les solutions liées à la qualité sanitaire et au rechauffement climatique. Les deux objectifs, à l’heure actuelle, sont difficilement atteignables si l’on suit les désirs d’agriculture plus verte. L’agriculture biologique utilise beaucoup de gazoil, travaille en général beaucoup les sols mais n’utilise pas de pesticide. Alors que l’agriculture de conservation utilise certes des produits phytosanitaires, mais permet une moindre émission de carbone et moins d’erosion de sols. Le monde n’est pas manichéen ! Il faut de tout, un peu ! Un juste milieu entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle. »
« Pour moi, l’enjeu le plus important reste le climat. Sur nos exploitations familiales, nous commençons à adapter nos cultures car nous allons potentiellement avoir de moins en moins d’eau. Je me base sur des faits constatés sur notre propriété depuis les années 90. Nous possédons un lac qui, il y a 30 ans, pouvait irriguer les exploitations de mon oncle et de mon père. Aujourd’hui, bien qu’il fasse la même taille, il ne peut irriguer que l’exploitation de mon oncle. Grâce a cette culture du coton et au climat océanique du Sud Ouest français, nous n’avons pas besoin d’avoir recours à l’irrigation sur l’exploitation de mon père. Nous bénéficions de précipitations suffisantes pour la culture. De plus, c’est une plante qui resiste très bien à la chaleur car elle est exploitée dans des pays en zones arides : sud Espagne, Portugal, Ouzbekhistan. Le coton est semé au printemps dès que la température du sol le permet et est récolté au mois de novembre-décembre. La plus grosse problématique de cette culture, ce sont les insectes. Ce sont notamment des punaises marrons, plus petites que la moyenne, qui pondent leurs larves sur le coton. La larve rentre ensuite dans le fruit et le fait pourrir. On a un peu de perte mais on l’accepte car il y a pas mal d’autres insectes qui vivent dans le coton, et on ne veut pas les impacter. Et dans tous les cas, il n’y a aucune matière active autorisée ! »

«  Il nous a fallu 4 ans pour arriver a un rendement satisfaisant . On est parti de 80 kg hectare de fibre a plus de 250 kg en 2020. Mais le rendement du coton tient beaucoup au climat. La recolte reste chaque année incertaine : plus il fera chaud et sec, plus la plante va se plaire. Cette année par exemple, nous avons eu des difficultés à récolter, en raison de la pluviométrie et du gel. Nous espérons sauver cette production pour la stocker. »

Egalement, les trois amis cherchent à mettre en place une agriculture de conservation pour améliorer leur bilan carbone. Ils discutent, s’inspirent d’autres expériences d’agriculteurs. « Ce n’est pas seulement une opération de communication, c’est aussi une forme de conviction. Le climat change , c’est une réalité qui ne peut être éclipsée. Nous restons sur un schéma simple de rotation culturale et de couverture du sol pour le moment. On fait un sorgho fourrager derrière les moissons de blé ou d’orge, on épand de la féverole dedans puis l’on détruit avec un dechaumeur en septembre octobre. Si demain les conditions changent, si on dit que l’agriculteur va devenir stockeur de carbone, alors il faut que nous soyons prêts et que l’on demarre notre demarche le plus tôt possible. Le but est d’améliorer la qualité de nos sols. J’y crois ! »
Enfin, afin d’optimiser l’usage des produits phytosanitaires, les exploitations de la famille ont investi dans un HORSCH Leeb LT. C’est la pulvérisation tous les 25 cm qui les a séduit ainsi que le comportement de la rampe dans les coteaux gersois, à 20 % de pentes.

Réduire la voilure par temps agité

« Nous avons decidé de réduire la voilure en 2020 et 2021, d’un point de vue de la transformation de la matière brute. Au vu de la situation pandémique, il était plus judicieux pour nous de stocker la matière première pour prévoir les évolutions des habitudes de consommation. Une marque n’évolue pas seulement en nombres de produits vendus ! Elle évolue également grâce à des phases d’optimisation. Et nous sommes typiquement dans ce cas de figure. Sur nos exploitations, nous avons décidé de limiter désormais le nombre d’hectares semés, en cherchant le déplafonnement des rendements. Nous recherchons un nouvel itinéraire technique pour de nouveau augmenter notre capacité de production de coton français. La demande pour ce type de matière reste forte malgré les conflits mondiaux et la pandémie. »