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De nouvelles voies pour l’agriculture

Marco Horsch exploite les terres agricoles familiales du Sitzenhof. Afin d'optimiser ses rendements, il s'intéresse plus particulièrement au microbiome du sol et réalise de nombreux essais et expérimentations afin d’enrichir son expérience. Nous vous avions déjà parlé de ses méthodes alternatives dans le numéro 20/2020. Nous vous parlons dans ce numéro des nouvelles expériences qu'il a pu faire cette année.

terraHORSCH : Quelles méthodes as-tu testé cette année et comment se sont déroulés tes essais ?
Marco Horsch :
Au printemps, j'ai voulu réaliser de premiers essais de fertilisation alternative avec du thé de compost oxygéné, mais j'ai dû abandonner car mon pulvérisateur n’est pas adapté dans sa configuration actuelle. Le thé de compost oxygéné ne doit pas être appliqué avec une pression supérieure à 3 bars. J'obtiens le bon niveau de pression au niveau de la rampe, mais elle monte à plus de 15 bars en avant de la rampe. Il faut donc que je fasse quelques modifications techniques avant d'aller plus loin, sans quoi le procédé sera inefficace. En raison de la pression trop élevée, les micro-organismes seront sûrement déjà morts avant d’atteindre le sol et la plante. Ces dernières années, j'ai davantage ameubli mon sol en profondeur que d'habitude, sans le mélanger. Sur le Terrano, j'ai choisi le soc ULD, en montant cependant un nombre moins important de pointes. J'ai ensuite incorporé des ferments végétaux et travaillé avec du jus de chou fermenté. Je n’ai pas encore tout à fait atteint mon objectif initial, mais les résultats sont visibles.

terraHORSCH : Quels changements as-tu constaté?
Marco Horsch : Nous avons fait un test bêche lors du séminaire sur l'agriculture régénérative. Il s'est avéré que le sol était bien grumeleux en profondeur, à l'endroit où j'ai incorporé le jus de chou fermenté. En périphérie, il était bien plus ferme. La théorie dit qu'un ferment végétal de bonne qualité vaut bien mieux que le jus de chou fermenté, car il permet d'obtenir une plus grande diversité de micro-organismes. On peut se procurer du thé de compost oxygéné et des ferments végétaux, mais cela revient cher, surtout lorsqu'on veut traiter de grandes surfaces. J'ai donc essayé de fabriquer un ferment par mes propres moyens. Cela n'a malheureusement pas été très concluant. Au lieu d'obtenir une bonne odeur de forêt, je me suis retrouvée avec une odeur de purin. Je n'ai pas encore trouvé la raison de cette odeur. Il est probable que quelque chose se soit glissé par erreur dans la composition. J'ai donc acheté un ferment du commerce. La différence était évidente : l'odeur était toujours agréable, même quelques temps après l'épandage.
J’ai également essayé cette année de recourir à un mélange de bactéries. Celui-ci devait générer jusqu'à 60 kg d'azote dans les cultures de blé et autres céréales. J'ai appliqué le mélange exactement selon les préconisations. Pourtant, j’ai constaté un déficit nutritionnel sur mes blés. Cela signifie que pas un gramme des 60 kg d'azote n'a pu être assimilé. J'ai donc dû compléter avec une fertilisation AHL.

terraHORSCH : Quelle est la composition de ce mélange de bactéries ? Quand l'as-tu épandu ?
Marco Horsch
: Il s’agit de bactéries fixatrices d’azote qui captent l'azote présent dans le sol et l’atmosphère afin de le restituer aux plantes sous une forme assimilable. Au printemps, j’ai incorporé ces bactéries au lisier puis j’ai épandu le mélange. Ce dernier doit en effet pénétrer dans le sol afin d’être le plus efficace possible. J’ai même eu quelques gouttes de pluie après l'épandage, ce qui aurait donc dû constituer des conditions optimales. Pourtant, cela n’a donné aucun résultat. Pour le maïs, j'ai incorporé le mélange directement sous le pied. Je suis donc curieux de voir si cela donnera quelque chose.
J'ai ensuite mené des essais avec des bactéries en application foliaire qui sont censées générer de l'azote sur les feuilles. Mais les résultats n’ont pas été concluants. J'ai dû compléter avec une fertilisation AHL pour que mon orge ne meure pas complètement de faim. J'ai effectué cette opération complémentaire de fertilisation sur une partie des parcelles seulement afin de voir la différence : c'était le jour et la nuit. Je me suis bien rendu compte que cette technique de fertilisation n'était pas simple. J’ai aussi pu faire certaines erreurs dans l'application et le climat a pu également jouer en ma défaveur. Les bactéries sont particulièrement sensibles aux températures et aux conditions d'humidité, certaines ont également besoin d’ultra-violets. Avec le recul, le printemps n’a pas été optimal. Il a fait froid, sec par moment et le ciel était relativement couvert. En ce moment, les conditions météo sont meilleures. Il fait plus chaud, plus humide et l’ensoleillement est meilleur, ce qui signifie que les plantes peuvent désormais produire de l'énergie par photosynthèse. Ce sont des conditions beaucoup plus favorables pour les bactéries. Je suis convaincu que le fait de favoriser le microbiome du sol a un effet positif sur la croissance des plantes, l'approvisionnement en nutriments, etc. Seulement, il est difficile de trouver la voie la plus appropriée pour y parvenir.

terraHORSCH : Qu'as-tu expérimenté en matière de cultures intermédiaires ?
Marco Horsch :
C’est un sujet que je continue à suivre de près, même si j'ai dû essuyer quelques revers cette année. Par exemple, j'ai eu une culture intermédiaire hivernante qui n’a malheureusement produit qu’une couverture limitée au printemps. J'ai ensuite laissé pousser un mélange de couverts à forte densité que je souhaitais détruire deux semaines avant le semis de maïs. Cependant, cela n’a pas été simple, car le développement racinaire était très important. Évidemment, c'est un bon point pour la structure du sol, mais cela rend le déchaumage d'autant plus difficile. J'ai d'abord essayé avec le déchaumeur à disques - sans succès. Avec la fraise, c’était déjà un peu mieux. J'ai dû finalement attendre presque deux semaines avant de repasser avec le déchaumeur à disques et la herse rotative pour finaliser la préparation du lit de semence. Les exploitations voisines ont également essuyé des difficultés dans la préparation de leur sol, car il était très humide en profondeur mais sec et motteux en superficie. J'ai pour ma part des parcelles très caillouteuses par endroit, ce qui ne m’a pas facilité la tâche.
L'année prochaine, je passerai probablement sur une culture dérobée gélive tout en maintenant la culture hivernante à petite échelle afin de relancer mon expérimentation. Il s’agit en fait uniquement de trouver la technique adéquate. Avec la fraise, c'est bien trop compliqué. Je dois également démontrer l'impact réel de la culture intermédiaire hivernante sur le microbiome. J'aurais sans doute dû travailler davantage en double culture pour voir une réelle différence.
Je souhaite continuer sur cette voie, mais à petite échelle afin d’acquérir suffisamment d'expérience pour déployer ces solutions à plus grande échelle. Je vais probablement essayer d'implanter une culture intermédiaire plus tôt en saison, après les céréales et avant la récolte d'été, pour optimiser la phase de croissance végétative.

terraHORSCH : As-tu effectué des sous-semis en culture de maïs en 2021? Comment et pourquoi les as-tu implantés ?
Marco Horsch :
Oui, je les ai semés avec une tonne à lisier. Toutefois, le peuplement n’est pas uniforme. Il y avait de nombreux pieds dans certaines zones, et rien dans d’autres. Lorsque nous utilisons habituellement le matériel de l’entreprise d’épandage pour les semis de culture intermédiaire, la semence est aspirée en continu pendant le remplissage. Seulement, la tonne de l’ETA n’est pas équipée de ce dispositif et j'ai introduit la semence par le haut du réservoir. Cela explique peut-être pourquoi la semence est restée en surface et ne s’est pas intégrée au mélange.
Le peuplement était parfois très important, mais pratiquement inexistant à certains endroits. L'idée serait d'améliorer la structure du sol de manière ciblée en y établissant une culture intermédiaire résistante à l'hiver avant le soja. Je ne vois guère d'intérêt pour le peuplement de maïs grain car la paille freine la croissance. Nous avons certes broyé la paille mais cela a tendance à endiguer le développement de l'herbe. J'aurais peut-être dû utiliser le semoir pour les semis plutôt que la tonne à lisier. Je vais peut-être relancer des essais sur 2 ou 3 ha.

terraHORSCH :Que souhaites-tu tester en matière de rotation des cultures ?
Marco Horsch :
De manière générale, mon objectif est d'avoir un assolement varié : céréales, maïs, soja, céréales, colza en cinq ans. Pour moi, il est important qu'il y ait une part de cultures d'été et pas trop de céréales, notamment en raison de la pression des adventices et des maladies, etc. Je suis convaincu qu’une rotation basée sur la diversité des cultures est beaucoup plus résiliente face à la pression des adventices. Si je compare avec les années précédentes où je devais protéger mes parcelles contre une quantité importante de graminées, je peux désormais m'en passer en partie et les parcelles ne s’en portent pas plus mal.

terraHORSCH : Qu'en est-il du soja ?
Marco Horsch :
J'espère que les résultats seront là car j'ai beaucoup semé cette année. Les semis ne se sont pas déroulés tout à fait comme je l'avais imaginé, mais je serai content si je pouvais atteindre le même niveau de récolte que l’année passée. J'ai récolté environ 4 tonnes de soja. Le soja a un potentiel incontestable pour la rotation des cultures, d’autant plus dans le cas d’une rotation diversifiée intégrant des légumineuses cultivées à grande échelle. Si cela venait à changer, je ne sais pas si je maintiendrai cette culture. J'ai déjà cultivé du soja à différentes reprises et cela n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. L'année dernière, c’est la première fois que mon bilan de campagne de soja est positif avec une bonne récolte et un bon niveau de rendement. Les années précédentes, j'avais juste fait quelques essais et les rendements n'étaient pas au rendez-vous, de l’ordre de 25 à 30 quintaux.

terraHORSCH : Envisages-tu des solutions comme la fertilisation foliaire en soja ?
Marco Horsch :
non, pas pour l’instant. L'année dernière, j’ai simplement appliqué un herbicide, rien d'autre. Ni fongicides ni insecticides. Je vais peut-être encore essayer des solutions à base d’oligo-éléments.

terraHORSCH : Sur la totalité de tes parcelles, quelle superficie as-tu analysé dans le détail ?
Marco Horsch
: J'ai analysé la capacité d'échange de toutes les parcelles sur la base d'analyses consolidées à partir de mes différentes catégories de parcelles. Mes résultats sont plutôt bons en matière de nutriments. On peut toujours améliorer certaines choses, mais c’est atteignable. J’ai passé le cap en vendant mon premier certificat carbone et en initiant un partenariat avec une société spécialisée en la matière. On verra bien où cela me mène. Le résultat ne sera pas connu avant quatre ou cinq ans, car le processus est un peu plus long.

terraHORSCH : Quelle conclusion pourrais-tu tirer de cette année d’essais ?
Marco Horsch :
Je vais essayer à l’avenir de ne plus me précipiter sur tel ou tel sujet. L’année prochaine, je me fierai davantage à mon intuition, comme je l’ai déjà fait par le passé. Les résultats de cette année d’expérimentation ne sont peut-être pas très brillants, mais j'ai acquis beaucoup d'expérience. Car c’est aussi en essayant qu’on apprend !