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Seminaire HORSCH 2020

Le futur est proche (Jay Tuck)

A l’occasion de la soirée des séminaires HORSCH, Jay Tuck, journaliste et expert en sécurité a donné une conférence sur le thème : " Révolution de l'intelligence artificielle : l'avenir plus proche que jamais". Une intervention diffusée en direct sur Facebook compte tenu des circonstances.

En vidéo-conférence

Les situations particulières nécessitent des mesures spéciales. L'annulation du séminaire HORSCH 2020 a été une étape difficile pour les organisateurs. Tout avait été préparé, environ 700 invités se réjouissaient déjà de leur participation. Avec le recul, il s'est toutefois avéré que la décision était tout à fait juste. Le risque de propagation du virus aurait été trop grand avec tant de personnes du monde entier dans un espace aussi restreint. En guise de compensation, les deux conférences ont été diffusées en direct sur Facebook. Nous les avons résumées pour cette édition de terraHORSCH.

Changement de perspective

Jay Tuck commença son exposé par un court extrait du film Top Gun 2 qui doit sortir en salle en juillet 2020 en Allemagne. Ici, les scènes d'action ébouriffantes ont pour but de donner une impression de la quantité de haute technologie utilisée dans les guerres d’aujourd'hui. ‘’Mais aux yeux des vrais pilotes de la Navy, tout cela est déjà obsolète’’ s’exclame Jay Tuck. "Pourtant, l'accent est encore mis sur un "Top Gun" héroïque, un pilote de haut niveau joué par Tom Cruise. Seulement : ce genre de personne est aujourd'hui dépassé. Dans l'armée de l'air américaine actuelle, l'avenir n'est pas aux avions pilotés, mais bien aux drones. Avec eux, vous pouvez survoler la moitié de la planète. Ils sont pilotés par de jeunes gens sélectionnés en fonction de leur capacité à jouer à la PlayStation. Ils sont assis dans des conteneurs sur un site secret quelque part dans l’Etat du Nouveau Mexique. Ils manipulent des manettes pour tuer des gens au Yémen, au Pakistan, en Afghanistan, en Somalie et dans bien d’autres endroits que nous ne soupçonnons même pas. Mais la technologie des drones n’est pas nouvelle, elle a déjà vingt ans. Pensez également à votre téléphone portable, il y a vingt ans"

Portrait : Jay Tuck

Jay Tuck est né et a grandi aux États-Unis, l'économiste diplômé et objecteur de conscience a effectué son service civil en Allemagne. Il a exercé dans le soutien à la jeunesse de Hambourg. Sa carrière de journaliste débute sur la chaine NDR en tant que reporter local, puis comme journaliste d'investigation pour les magazines Panorama et Monitor. Il a couvert les deux guerres du Golfe sur place pour l'ARD Tagesschau, puis a dirigé les ARD-Tagesthemen pendant douze ans en tant que rédacteur. Il a également produit de nombreux documentaires pour des chaînes de télévision renommées. Depuis sa retraite de l'ARD, Jay Tuck travaille pour une société de médias internationale basée à Dubaï, mais il continue à produire des documentaires pour les médias allemands. En outre, Jay Tuck a été et reste une plume pour de nombreux magazines imprimés, écrit des livres et donne des conférences.
Il est très impliqué dans les questions de sécurité. Son dernier livre a été publié en 2016 par Plassen Verlag. Il porte le titre "L'évolution sans nous" et concerne l'intelligence artificielle.

"Moi-même, j’ai pu piloter de tels drones en simulation’’, poursuit Jay Tuck. "C'était très excitant car ils possèdent de nombreux avantages par rapport aux avions pilotés. Nous, les humains, avons tant de faiblesses : nous avons besoin d'oxygène, d'une certaine pression atmosphérique, d'une formation de base et continue, d'une licence de pilote - tout cela coûte cher. De plus, un avion de combat doit avoir un siège éjectable pour les urgences, ce qui est lourd et enlève de la charge utile. Il est donc préférable de retirer ces points faibles de l'avion de chasse. Car, face à ces handicaps, il existe une nouvelle réalité :  dans de nombreux cas, le robot est déjà utilisé. Celui-ci est toujours en pleine forme, n'a pas eu de dispute avec sa femme ni de gueule de bois parce qu'il avait trop bu la veille : les faiblesses humaines ont été éliminées et personne n’est en danger lorsque l’avion vole dans les zones de combat !
Ce qui est intéressant dans cette évolution, c'est que les pilotes de la Marine reçoivent un insigne de vol à la fin de leur formation, une récompense dont ils sont très, très fiers. Mais les ‘’enfants’’ de la génération Playstation reçoivent également ce prix, alors même qu'ils ne peuvent pas du tout voler. Cette reconnaissance ne plait pas vraiment aux pilotes traditionnels !

Temps d’adaptation

"Lorsque de nouvelles technologies sont introduites, il y a toujours un certain délai entre l'invention et son introduction à grande échelle", explique Jay Tuck. "C'était déjà le cas avec Guttenberg : il s’est passé des centaines d'années avant que les gens commencent réellement à lire et que les livres soient distribués à grande échelle. Entre-temps, la société s’est habituée puis appropriée l'innovation. Un autre exemple avec la machine à vapeur : des décennies se sont écoulées entre son invention et la révolution technique des locomotives comme moyen de transport essentiel accompagné par une production industrielle de masse. A cette époque, la résistance au changement existait déjà : des gens étaient opposés aux innovations. Certains sont même allés dans les usines et ont cassé les machines, parce qu'ils avaient raison de penser que la machine à vapeur mettrait en danger leur emploi. Mais une fois encore, nous avons eu le temps de nous y habituer. Il y a eu des discussions et des échanges avec différents groupes, comme les syndicats, etc.

Les temps d’adaptation et d’appropriation des nouvelles technologies peuvent être chiffrés par des exemples concrets : 62 ans pour l’automobile, 46 ans pour l'électricité, 12 ans pour les téléphones portables, 4 ans pour Facebook et seulement 19 jours pour Pokémon Go ! Le temps nécessaire à la Société pour s’adapter aux changements dépend de sa législation, de sa morale et de ses conditions de travail. Pour moi, il n'est pas étonnant qu'il y ait encore tant de gens qui ne soient pas encore habitués à leur smartphone. Par exemple, certaines personnes âgées ne comprennent pas du tout ce que font leurs petits-enfants avec cet outil. Ils n'ont tout simplement pas eu le temps de comprendre. Parce que tout se passe très vite.

Un autre exemple : j’étais récemment chez ma dentiste. Soudain, j’ai entendu un bip de ma chaise dans la salle de consultation. Comme je lui demandais ce que cela pouvait être, elle me répondit : ‘’ c'est un robot avec lequel on mesure l'espace entre les dents. Il calcule ensuite la taille de l’implant, je n'ai plus qu'à choisir le matériau et la couleur. Une heure plus tard, l’opération était terminée.’’
Avant, cela prenait des semaines. Avec la nouvelle technologie, c'est évidemment tout un secteur économique qui disparaît. Mais il faut avoir conscience que la machine est, non seulement plus rapide, comme me l'a dit le médecin, mais qu’elle est également plus précise et moins chère. Là encore, cela se confirme : quelqu'un invente une machine et le monde change. L'introduction d'innovations est parfois ralentie, avec par exemple la nécessité de procédures d'approbation incluant des tests, des essais préliminaires, etc… C'est le cas des médicaments, et nous l’avons constaté récemment avec la crise du covid-19 : différents protocoles de soins doivent être testés avant de les proposer au plus grand nombre. Pour d'autres innovations, qui impliquent parfois des changements radicaux, ce n'est pas obligatoire. Elles arrivent simplement sur le marché. Et elles changent nos vies".

Une réalité déjà présente

Jay Tuck explique pourquoi les gens ont tant de mal à aborder le sujet de l'intelligence artificielle : elle ne se développe pas de manière linéaire, mais exponentielle. "Nous ne sommes parfois pas en capacité de comprendre cela", dit le journaliste. "C'est pourquoi nous ne pouvons pas en saisir les conséquences." Et pourtant, nous y sommes déjà selon lui : l’intelligence artificielle a déjà dépassé les humains dans certains domaines et y est largement supérieure.

Un exemple : Jay Tuck voulait devenir agent de change lorsqu'il était adolescent. Comme les professions citées précédemment, pilote ou médecin, c'est un métier stressant mais respecté et bien rémunéré. À l'époque, la plus grande banque du monde comptait environ 600 agents de change. Aujourd'hui, il en reste - si tant est qu'il y en ait - seulement deux ! Le travail est désormais effectué par des ordinateurs qui observent une grande variété de paramètres dans le monde entier et extrapolent les effets sur les prix des marchés boursiers par des algorythmes pointus. Bien sûr, il y a eu de graves erreurs au début, mais l'une des principales caractéristiques de l'intelligence artificielle est qu'elle apprend aussi, même de ses erreurs.
Les effets positifs sont déjà visibles. "J'ai parlé avec des radiologues de cliniques renommées. Ils m'ont tous confirmé que l'ordinateur peut diagnostiquer un cancer au rayon X avec plus de précision et à un stade bien plus précoce qu'ils ne le peuvent eux-mêmes. D'une part, c'est bien sûr un aveu de faiblesse, mais d'autre part, c'est une énorme opportunité similaire à des solutions concernant de nombreuses autres maladies : Alzheimer, crise cardiaque… Jusqu'à présent, les connaissances médicales étaient basées sur une expérience relativement limitée. Le Big Data permettra à l'avenir d'analyser une énorme quantité d’échantillons et leurs interactions sur un large éventail de facteurs. Il reste encore beaucoup de critères à normaliser au niveau international. Cela demande beaucoup de travail et des budgets conséquents. Mais une fois que cela sera fait, nous pourrons faire des bonds en avant que nous pouvons à peine imaginer aujourd'hui.

Jay Tuck a fait une autre petite incursion dans le domaine de la technologie et de la sécurité. Il a montré une vue aérienne de la NSA, prise par un drone à 20 000 mètres d’altitude. On peut y voir des voitures aussi bien que des personnes. Les deux peuvent être identifiés. Les voitures par leurs plaques d'immatriculation, les gens par leur démarche. "On pense toujours que la reconnaissance n'est possible qu'en regardant le visage", explique M. Tuck. "Mais les agences de renseignement travaillent généralement avec des caméras venant d'en haut. Il est même possible d'analyser si quelqu'un se déplace de manière suspecte ou non". L'ère de l'expertise est remplacée par l'ère des données.

Dans l'agriculture, la collecte de données est plus lente. Mais là aussi, certaines choses sont déjà pratiquées, comme la reconnaissance faciale des vaches. Cela fonctionne mieux qu'avec les marques auriculaires. Avec les porcs, il est même possible de scanner dans quel état d'esprit ils se trouvent.
"Aujourd’hui, les consommateurs veulent savoir d'où vient leur nourriture", dit Jay Tuck. "L'estampille sur les œufs concernant l'origine n'est qu'un petit début. J'ai moi-même participé à un projet dans lequel bien plus de données sont réunies et prises en compte : de la génétique des poules pondeuses à l'assiette… ou à la poêle, si je puis me permettre ! Cela permet non seulement d'assurer la transparence, mais peut également contribuer à rendre votre entreprise plus rentable. Cela concerne aussi la protection sélective des cultures, qui est déjà pratiquée dans certains cas. Ici, il est possible d'économiser des centaines de tonnes de pesticides – correspondant à une demande claire des citoyens vis-à-vis de l'agriculture". Jay Tuck a ensuite projeté d'autres vidéos de tracteurs conduisant de manière autonome. "Rien de spécial", a-t-il commenté. "Mais pour moi, en tant que journaliste de télévision, ce sont, bien sûr, de belles images qui peuvent contribuer à rendre la profession plus attractive : l'agriculture ne se résume pas à des bottes en caoutchouc sales. Chaque entrepreneur, y compris l'agriculteur, doit apprendre à gérer les données du data. Cela peut aujourd’hui influer sur la pérennité de son exploitation ".
Mais qu'en est-il de la sécurité des données ? Jay Tuck a cité l'exemple du téléphone portable, avec lequel chaque utilisateur révèle déjà un grand nombre de données. Bien que les fournisseurs de systèmes garantissent la sécurité, on sait que les applications récupèrent des données à notre insu pouvant représenter jusqu’à 1,5 Go par mois ! Les données les plus sensibles sont les termes de recherche. Dans le commerce en ligne, ces profils d'utilisateurs sont utilisés pour individualiser les prix.
"L'intelligence artificielle a-t-elle une conscience ? Jay Tuck a posé la question essentielle pour sa conclusion. "On ne sait pas encore mais l’IA a la volonté de vivre et elle défend son existence. On l'a vu, lorsqu'un satellite américain, en fin de vie, a été pointé dans l'atmosphère terrestre pour y brûler. Même au moment de la "mort", il remplissait encore sa fonction la plus importante : orienter ses antennes de façon à ce qu'elles puissent maintenir le contact avec la Terre. D'ailleurs, quand il a brûlé, ses anciens collaborateurs du centre de contrôle ont pleuré..."

Plus d’humus dans les sols (Michael Horsch)

Outre le journaliste Jay Tuck, Michael Horsch est, lui aussi intervenu en ligne. La thématique de son intervention abordait la structure de l'humus en tant qu'élément stratégique de la rotation des cultures pour les agriculteurs. M. Horsch y voit un nouveau modèle commercial pour l'agriculture.

Agriculture hybride, agriculture régénérative et agriculture convetionnelle sont des sujets fondamentaux pour Michael Horsch depuis plusieurs années, même lorsqu'il s'agit de la protection du climat. HORSCH travaille depuis longtemps de manière intensive sur des solutions pour une agriculture durable. Par exemple, l’entreprise s’implique actuellement par le biais du concours d'idées "Bodenschmiede". En coopération avec l'université des sciences appliquées et de l'agriculture et de l'alimentation Weihenstephan-Triesdorf, ce concours vise à rechercher des idées et des concepts auprès des agriculteurs, des startups et des étudiants sur les nouveaux systèmes de culture, les modèles commerciaux et les technologies (bodenschmiede.horsch.com).

Michael Horsch a débuté sa présentation en citant le PDG de VW, Herbert Diess concernant la taxe sur le CO2 en Europe : "Un prix équitable pour une tonne de CO2 est de 100 euros". À la fin de l'année dernière, le Bundestag et le Bundesrat avaient fixé un prix de 25 euros seulement pour l'Allemagne. Michael Horsch a également rapporté une conversation avec des dirigeants de l'usine Skoda près de l’exploitation HORSCH AgroVation, situé à Kněžmost en république tchèque. "Ils ont calculé la composition de l'empreinte carbone dans le "cycle de vie" d'une voiture. Ces chiffres étaient très intéressants". Ils estiment l'empreinte carbone du "cycle de vie" d'une voiture affichant 200 000 km au compteur. 13% de l'empreinte est créée par les matériaux produits par les fournisseurs. Seulement 2 % sont produits dans les trois usines Skoda en république tchèque. Un total de 80 % est dû à la combustion de l'essence et du diesel, 5 % au recyclage des vieilles voitures. "Pour les 2 % seulement, qui sont produits dans l'usine elle-même, Skoda utilisera 700 000 tonnes de copeaux de bois par an à partir de 2021", a souligné l'entrepreneur. Cela correspond à une superficie de 100 000 hectares de forêt à déboiser. Bien entendu, la conversion aux voitures électriques apportera également une grande avancée en termes de consommation de CO2.

Les constructeurs automobiles sous pression

Pour éveiller l’intérêt des agriculteurs quant à la dimension économique de cette problématique, Michael Horsch s'est ensuite penché sur le coût des émissions de CO2 auquel l'industrie automobile devra faire face. "Les dirigeants de Skoda m'ont donné une idée de la pression à laquelle sont soumis les constructeurs automobiles", a-t-il déclaré. À partir de 2020, la règle suivante s'appliquera en Europe : toute voiture vendue avec un moteur à combustion peut émettre au maximum 95 g de CO2 par km. Pour chaque gramme supplémentaire, une amende de 95 euros sera imposée. "Les voitures Skoda à moteur thermique émettent actuellement encore 120 g en moyenne. Cela signifie que le montant de l'amende est actuellement d'environ 2 375 euros par voiture. C'est environ 10 % de la valeur de vente qui doit être payée pour chaque voiture". Il va donc de soi que les constructeurs font tout leur possible pour respecter la limite ou vendre une quantité suffisante de voitures électriques. Chez Skoda, 20 % du parc de voitures neuves devraient être des voitures électriques. "La pression est vraiment gigantesque", souligne Michael Horsch.

La production de véhicules électriques génère également du CO2, à savoir 16 tonnes par voiture - même avec les méthodes de production les plus efficaces et les plus modernes. "Skoda veut neutraliser ce montant dès le départ lors de la vente de la voiture", explique Michael Horsch, "ce qui, selon M.Diess, correspondrait à 1 600 euros par voiture, qu'il doit inclure dans le prix de revient. Avec une production annuelle de 300 000 véhicules, c'est une somme très intéressante". Le fabricant ne peut plus réduire cette partie de l'empreinte de CO2 en réalisant des économies. "La seule façon de l'éliminer est d'acheter un droit à polluer, c'est-à-dire pratiquer le commerce des indulgences", résume-t-il.

Compensation d’émission de CO2 : forêt ou humus ?

À quoi peut ressembler la compensation des émissions de CO2 dans la pratique ? "À ce stade, il est souvent suggéré de planter des arbres à plus grande échelle. Cependant, cela signifie que nous devons d'abord attendre quelques années avant que les arbres récemment plantés puissent fixer une tonne de CO2", note Michael Horsch. "Le temps que les plantes puissent absorber suffisamment de dioxyde de carbone dans l'air, le climat aura depuis longtemps changé et le prétendu point de basculement aura été dépassé." Il ne comprend pas pourquoi les scientifiques et les ONG présentent la plantation d'arbres comme une solution appropriée et crédible. Une partie des gaz à effet de serre pourrait en effet être piégée de cette manière, mais ce n'est certainement pas la solution principale. "En outre, il n’est pas possible de pratiquer l'agriculture sur les zones déboisées, pourtant cela est urgemment nécessaire d’un point de vue économique."
Michael Horsch a proposé une seconde approche de la compensation du CO2, qu'il considère comme beaucoup plus importante : "Nous faisons de l'agriculture, nous accumulons de l'humus et, ce faisant, nous produisons également des aliments. Trois conditions préalables sont importantes : réduire considérablement le travail du sol, utiliser des cultures dérobées et promouvoir l'activité microbienne de manière globale. Travailler le sol de manière ciblée signifie ne pas laisser trop d'oxygène pénétrer dans les horizons afin d'éviter une minéralisation excessive. Il est essentiel de procéder à une reconsolidation intensive pour contrôler l'échange de gaz. Néanmoins, une charrue peut bien sûr être utile si nécessaire. Avec l'aide des cultures intermédiaires, le sol doit toujours être couvert. Cela nous donne une bonne chance d'accumuler du carbone dans le sol, même à long terme. Pour favoriser l'activité microbienne, l'utilisation d'engrais et de produits phytosanitaires doit être réduite à long terme. Je voudrais présenter ce sujet de la manière la plus objective possible et donc m'exprimer avec beaucoup de prudence. Nous apprenons encore beaucoup de choses. Une chose est claire : nous avons absolument besoin de l'activité microbienne pour l'accumulation d'humus.’’
Michael Horsch a poursuivi : "Grâce à l'agriculture hybride, nous pouvons piéger entre 5 et 10 t d'équivalent CO2 par an et par hectare dans le sol par l'accumulation d'humus. Si nous prenons maintenant comme base la déclaration d'Herbert Diess de 100 euros par équivalent CO2, le travail effectué par les agriculteurs pour accumuler de l'humus correspondrait à une valeur comprise entre 500 et 1 000 euros de l’hectare".

Humus nutritif et durable

Afin d'approfondir la question, il est important de faire la distinction entre l'humus nutritif et l'humus permanent. "Les scientifiques du sol, qui connaissent leur sujet, ne devraient pas trop écouter", souligne Michael Horsch avec un sourire. Son expérience révèle que les scientifiques ont des opinions très différentes. "C'est pourquoi je tiens à expliquer ma vision des choses : pour moi, l'humus est une chaîne d'humus ouverte et je vais décrire les processus en utilisant l'exemple des résidus de paille dans le sol après la récolte du blé. La paille présente initialement un rapport C/N de 80 à 100 pour 1. Le processus de décomposition est initié par la culture du sol. Après six ou huit mois, une grande partie de la masse organique est décomposée, jusqu'à un rapport C/N d'environ 10 pour 1. "Cet humus nutritif reste alors dans le sol. Dans des conditions appropriées, les micro-organismes continuent à décomposer le carbone et à produire du CO2. Les nutriments tels que N, P et K, qui sont liés au carbone, sont également libérés au cours de la minéralisation pendant l'été. Ensuite, je cultive à nouveau le champ. La biomasse de la culture suivante se décompose également après la récolte, créant ainsi un nouvel humus nutritif".
Pour augmenter la proportion d'humus, il faut augmenter le rendement de la biomasse. "Cela signifie toutefois que cette approche est difficile à vendre en ce qui concerne le commerce d'indulgences que j’évoquais. Nous devons donc nous concentrer davantage sur l'humus permanent" Selon la définition de Michael Horsch, il s'agit de chaînes de carbone en forme d'anneau auxquelles les nutriments sont fixés au cours des processus de décomposition. Beaucoup de ces anneaux n'ont pas pu être décomposés davantage par les micro-organismes. L'avantage d'un point de vue agricole est évident : augmentation de la teneur en humus du sol et capacité optimale de stockage des éléments nutritifs essentiels et de l'eau.

Carbonatation microbienne

Comment gérer maintenant l'enrichissement de l'humus permanent par l'agriculture ? "J'ai trouvé une approche très intéressante de ce sujet ", a déclaré Michael Horsch avec enthousiasme. "C'est la Carbonatation Microbienne, CM en abrégé. D'ailleurs, j'ai beaucoup appris à ce sujet auprès de Walter Witte, un chimiste des sols renommé. De quoi s'agit-il ? "Il s'agit d'un compostage bactérien dans un processus simple. Les matières organiques contenant de la cellulose et de la lignine sont combinées avec des composés contenant des protéines dans un rapport de 50/50. Il est important d'avoir le bon rapport de mélange, une humidité suffisante et une taille de particules appropriée pour que la masse puisse être bien compactée. Ensuite, vous devez créer une surface de compost aussi grande que possible, bien compactée, avec une hauteur d'andain d'environ 2,5 m.". La température du compost doit être d'environ 50°C. Cela crée une situation à la limite entre les conditions en aérobies et anaérobies. C’est sur ce postulat que la carbonatation peut avoir lieu sur une base bactérienne - à ne pas confondre avec le processus du même nom, qui se déroule sous haute pression. "Les bactéries phototrophes vivant à la surface produisent maintenant des enzymes. Ces enzymes provoquent à leur tour la décomposition des substances organiques par d'autres bactéries de telle sorte qu'il reste à la fin de nombreuses chaînes de carbone en forme d'anneaux qui ne peuvent être dégradées davantage", a-t-il résumé. D'une grande importance pour les agriculteurs, ces composés de carbone sont solubles dans l'eau et contiennent de nombreux éléments nutritifs du matériau d'origine. En outre, la carbonatation microbienne ne "brûle" pas le carbone, c'est-à-dire qu'elle ne produit pratiquement pas de CO2, mais une forte concentration de C dans le compost.

La carbonatation dans les champs ?

"La nature a fourni ici des mécanismes auxquels nous n'avons pas accordé suffisamment d'attention jusqu'à présent", a noté Michael Horsch avec enthousiasme. Les anneaux de carbone solubles dans l'eau pourraient être reproduits dans un champ. Ils seraient alors dilués par les précipitations. Les agriculteurs n'auraient même pas besoin de les incorporer. La nature a également trouvé une solution ingénieuse pour permettre aux cultures d'absorber les nutriments : les plantes excrètent des acides au niveau de leurs racines pour séparer ces nutriments de la matière organique.
Pour Michael Horsch, la question se pose : "Ne pouvons-nous pas aussi assurer une carbonatation microbienne superficielle dans nos champs - par un travail du sol peu profond avec incorporation et un roulage ? Je n'ai pas encore de réponse à cette question. Mais cela me fascine ! On pourrait éventuellement faire de même avec le lisier.
"Une chose est certaine, nous avons besoin d'un niveau élevé d'activité microbienne dans nos sols", a-t-il affirmé. "Avec nos cultures principales, nous ne progressons plus en termes de rendement. Cela signifie que la quantité maximale possible d'humus est atteinte dans nos champs. À mon avis, les cultures dérobées offrent une bonne possibilité de faire progresser l'accumulation d'humus".

Examiner les résidus

Pour Michael Horsch, la formation d'humus et la réduction des résidus sont directement liées. Il a donc également abordé le problème des résidus dans son exposé. "Nous avons mené nos propres recherches sur ce sujet - en collaboration avec une start-up de Würzburg, des experts en évaluation de données et l'université des sciences appliquées de Triesdorf. Nous avons prélevé un total de 371 échantillons de sol dans les champs de blé de 46 exploitations clientes en Allemagne et en République tchèque et les avons évalués. En outre, les données cartographiques des champs respectifs des années précédentes ont été ajoutées".
Michael Horsch a brièvement résumé les résultats de ces enquêtes : "Dans de nombreux échantillons, nous avons trouvé des traces de fongicides, d'insecticides et du régulateur de croissance CCC. Les herbicides n'étaient pas présents. Ce que déplore la société actuellement n'est donc pas le problème ici". Une des conclusions qu'il tire de ces résultats est que "L'hystérie anti-glyphosate’’ est complètement exagérée. Nous devrions d’ailleurs discuter de la question de manière claire et différenciée - avec toutes les parties concernées. Ce n'est pas une solution que de se contenter d’une interdiction radicale". En ce qui concerne le thème de l'humus, il a déclaré : "Si nous devons nous passer de glyphosate, il sera bien plus difficile de mettre en œuvre le thème de la construction de l'humus et de l'agriculture régénérative.

Remplacer les insecticides et les fongicides

Des alternatives aux insecticides et fongicides sont déjà testées dans la pratique et appliquées sur les grandes exploitations. Michael Horsch a cité l’exemple du Brésil : "Le directeur de la ferme Insolo de 200 000 hectares – propriété de l'université de Harvard aux États-Unis - m'a fièrement montré un nouveau bâtiment agricole lors de ma dernière visite. Il y a d'énormes fermenteurs, des microbiologistes y travaillent au sein de leur propre station expérimentale et ce, pour une étude quinquennale. La société est maintenant prête à remplacer les pesticides par la biologie. Et cela même alors que la fréquence des traitements est pourtant monnaie courante dans ce pays", a ajouté M. Horsch. "En attendant, j'ai vraiment du respect pour les gens comme ça. Ce sont des professionnels à part entière et cela me montre aussi qu'il se passe quelque chose là-bas d’intéressant. Même si je ne crois pas que nous puissions remplacer complètement les insecticides et les fongicides par des agents biologiques. Je pense cependant que cela vaut la peine de s'y intéresser". Mais les herbicides ne peuvent pas être remplacés par des produits biologiques. "Pour le non-labour, nous avons toujours besoin de principes actifs comme le glyphosate."

La formule de Liebig a changé

Michael Horsch a conclu sa conférence par une citation du chimiste Justus von Liebig : "Un sol est fertile pour un genre de plante donné s'il contient les nutriments nécessaires à cette plante en quantité, en proportion et dans des conditions d'absorption adéquates". Von Liebig a supposé que le rendement des plantes et de l'humus résulte de l'apport de nutriments, c'est-à-dire de la chimie, façonnée ensuite par les conditions physiques telles que la température et l'humidité ainsi que par les conditions biologiques. Je suis fasciné par l'expression "en quantité suffisante" s’est exclamé Michael Horsch. Au cours des 50 dernières années, la formule Liebig a été utilisée pour cultiver des plantes et obtenir des rendements dont les chimistes ne pouvaient que rêver, bien sûr. "Au mieux, nous avons maintenu la teneur en humus à un niveau élevé. Mais, il y a aussi toute une série d'études selon lesquelles nous avons régulièrement contribué à la décomposition de certaines quantités d'humus alors que les rendements ont tout de même augmenté.

Pour travailler dans le sens d'une agriculture carbonée, d'une agriculture régénérative ou d'une agriculture hybride, Michael Horsch estime que la formule de Liebig doit être reformulée. Le sommet de la liste doit être la structure de l'humus, c'est-à-dire la biologie, suivie de la physique et de la chimie. Le rendement et la teneur en humus du sol résulteraient de cette interaction. "Et j'ose dire ceci : cette formule est l'avenir de l'agriculture moderne dans le monde entier". Il ne croit pas qu'une nouvelle augmentation régulière du rendement par rapport au niveau actuel soit possible. "Cela ne devrait pas non plus être l'objectif principal. Mais c'est ainsi que nous parviendrons à établir un humus permanent", a-t-il prédit. Michael Horsch part du principe qu'une limitation de 5 t de CO2 par hectare et par an, voire le double, pourrait être atteint. Cependant, cela n’arrivera que si l'on se concentre moins sur le rendement et plus sur la formation de l'humus. Il a déclaré au public : "Nous devons changer notre approche - de la sélection à l'utilisation d'engrais et à la protection des plantes. Il reste encore beaucoup de travail de recherche à faire dans ce domaine. Nous avons besoin de mieux comprendre les relations biologiques dans le sol, les racines, la plante entière et, en fin de compte, l'Homme".