Home » Numero 23-2021 » Ils l’utilisent, ils en parlent » Un circuit de production vertueux : Georg Mayerhofer, DE

Un circuit de production

Georg Mayerhofer est un agriculteur qui a de la suite dans les idées. Il a déjà testé de nombreuses techniques, ce qui lui a valu de très bons résultats. Il reste malgré tout constamment à la recherche de nouvelles pratiques afin d'assurer l'avenir de son exploitation. terraHORSCH est allé à sa rencontre à Ortenburg, en Basse-Bavière.

Lors de notre visite début novembre, Georg Mayerhofer a peu de temps à nous consacrer. Nous sommes en pleine saison de maïs ensilage et il doit régulièrement s’absenter pour jeter un œil au séchoir. Il prendra finalement plus de temps que prévu au départ, tant il a de choses à nous montrer et à nous dire.

Georg Mayerhofer doit sa renommée dans toute l’Allemagne au titre d' “Agriculteur de l’année 2017”, qu’il s’est vu décerner par la plateforme Ceres Award. Son audace et son engagement dans l’utilisation et l’amélioration de nouveaux procédés lui a alors valu les honneurs du jury. Justement, prenons le cas du StripTill. Georg Mayerhofer a rééquipé un outil Strip Till d’un système de tuyaux afin de pouvoir épandre du digestat. “Le StripTill a fait ses preuves sur mon exploitation”, explique l’agriculteur. “Bien que nous soyons dans des terres argileuses et lourdes et que beaucoup de mes collègues aient essayé de m’en dissuader. Les sols sont particulièrement sujets à l’érosion dans notre région. Et j’ai des cultures qui nécessitent des apports d’engrais. Compte-tenu des pentes, des difficultés de manœuvre du pulvérisateur dans les cultures dérobées et du souci de préservation des sols, le travail du sol en bande s’est avéré vraiment très bénéfique. Surtout que nous pouvons enfouir du digestat de manière très superficielle, à seulement 15 cm. Le problème reste pour moi le glyphosate. Avec ce système, on ne peut pas faire sans. Je suis cependant à la recherche d’une solution à long-terme pour mon exploitation afin de ne plus être dépendant ni des produits phytosanitaires en général ni d’une substance en particulier. Nous sommes donc actuellement en phase de conversion en agriculture biologique. J’ai aussi longtemps réfléchi à me diriger vers l’agriculture hybride. J’ai déjà essayé deux ou trois choses, comme la culture de colza sans insecticides. Cela a d’ailleurs bien fonctionné. Mais sincèrement : le prix ne passe pas. Malgré des négociations engagées par exemple à travers l’obtention du certificat développement durable délivré par la DLG, le marché n’est pas prêt à payer le prix. A cela s’ajoute le fait que nous avons une activité d’engraissement porcin de 1 450 places. Nous nous impliquons déjà depuis longtemps pour le bien-être animal, notamment avec une augmentation de l’espace attribué à chaque animal et la création d’aires libres. Mais l’élevage de porcs sur caillebotis intégral n’est certainement pas un modèle d’avenir.”

La conversion en bio

Georg Mayerhofer a amorcé la conversion de ses 350 ha de terres agricoles au 1er juillet 2021. Il a souhaité devenir membre d’une fédération et s’est décidé pour Naturland: “Ce qui me plaît particulièrement dans cette fédération, c’est qu’elle a une envergure importante et agit à l’international”, explique-t-il. A l’heure de la mondialisation, cela était un critère important pour moi. Je suis également libre de prendre seul de nombreuses décisions tout en étant membre de Naturland. Il y a cependant aussi des dispositions sur le plan social. Il existe par exemple un ajustement du taux horaire entre le producteur de porcelets et l’engraisseur. C’est un système équitable, chaque partie gagne de l’argent de cette façon. Jusqu’ici je ne pratiquais pas d’élevage de porcs bio mais je me réjouis d’avance de pouvoir aussi découvrir cette pratique.

L’unité de méthanisation a toutefois constitué un point d’achoppement dans le processus de conversion. M. Mayerhofer possède 75% de l’installation, tandis que les 25% restants sont détenus par un collègue en agriculture conventionnelle. L’agriculteur souhaitait maintenir cette configuration, sans quoi il aurait dû mettre fin à son contrat d’associé. Par ailleurs, 30% de substrat végétal d’origine extérieure peut être utilisé dorénavant. Une condition qui a son importance puisque la conversion en bio a impacté à la baisse la quantité de lisier disponible et que la rentabilité de l’installation reste malgré tout dépendante de la “prime lisier” et de la “prime chaleur”. Le programme de soutien dont ont bénéficié M. Mayerhofer et son associé pour la création de leur installation touche cependant à sa fin l’année prochaine et de nouvelles conditions seront alors applicables.

Georg Mayerhofer a hâte de se lancer concrètement en agriculture biologique. Il est particulièrement curieux de voir ce que cela donnera pour les cultures spéciales, bien qu’il s’y connaisse déjà bien en matière de pratiques culturales. “Je me retrouve vraiment dans la philosophie développée dans l’agriculture régénérative avec la mise en place de couverts végétaux et la limitation du travail du sol”, explique l’agriculteur. “J’ai observé de nombreux exemples de mises en œuvre réussies autour de moi et j’ai donc déjà accumulé de l’expérience. Cela fait déjà quelques années que nous avons laissé de côté le labour. Mais pour moi, il ne s’agit pas de voir les choses de manière idéologique. Tant que cela fonctionne, je peux me passer du labour ! Mais je me laisse aussi la possibilité d’y revenir si cela est nécessaire ; comme cette année par exemple ! Les conditions étaient tellement humides durant la récolte que j’ai dû labourer quelques parcelles. Le résultat y est bien meilleur comparé aux surfaces où je n’avais fait qu’un travail superficiel du sol. Les traces de roues de la moissonneuse y sont encore visibles aujourd'hui. Dans l’ensemble, mon objectif est de combiner agriculture régénérative et agriculture biologique.” L’augmentation du taux d’humus est également une problématique centrale. “Car le changement climatique nous obligera de toute façon à nous impliquer toujours davantage, notamment pour protéger le sol de l’érosion due au vent et au ruissellement”, affirme l’agriculteur avec conviction.

Une différenciation claire des parcelles

Georg Mayerhofer est justement en train d’accumuler son lot d’expériences. Il a profité de sa phase de conversion pour intégrer 40 hectares de trèfle et de méteil ensilé dans sa rotation. Ce dernier constitue un précédent particulièrement intéressant pour la culture du sarrasin.
En matière de pratiques, il différencie les parcelles où il est possible de recourir au binage et celles où cela n'est pas envisageable. Cela signifie de manière générale, qu'il ne sème ni maïs ni soja dans les parcelles en dévers. Les betteraves sucrières auraient été en revanche adaptées mais l’agriculteur n’a pour l’heure plus de surface disponible. Afin de lutter contre l’érosion dans les terrains en dévers, Georg Mayerhofer aménage des bandes enherbées de 15 à 30 cm de large. Il y sème du méteil ainsi que des couverts sans aucun apport d’engrais. L’objectif est de d’ensiler une première fois en juillet et si possible encore deux fois. Et c’est un système qui s’avère vertueux grâce à la valorisation des récoltes rendue possible par l’unité de méthanisation.
Quant au restant de ses surfaces, il opte pour des cultures dérobées de grande qualité et des espèces particulièrement résistantes au gel. Le printemps venu, il peut y semer ses cultures, avec une préparation de sol minimale.
Pour les collègues agriculteurs de Mayerhofer, sa gestion du parcellaire est en rupture avec leurs habitudes. Tandis que ces derniers essayent de maximiser coûte que coûte leurs rendements, l’agriculteur rompt sciemment avec cela. Car il est persuadé que les surcoûts associés à cette démarche restent trop élevés.

“La mise en place d'une stratégie de rotation sur le long-terme et de couverture permanente du sol est une réponse aux enjeux d'aujourd'hui, explique Georg Mayerhofer. “La manière dont se déclinent les rotations doit être réfléchie. Généralement, j’établis une planification deux ans à l’avance. En plus du soja, le quinoa, le sarrasin, le tournesol et l’amarante sont des espèces particulièrement intéressantes en label bio. En ce qui concerne les cultures plus intensives, nous envisageons une rotation intégrant aussi régulièrement du trèfle ou du méteil. Actuellement, nous cultivons du maïs ensilage, du soja, du blé d’hiver, de la triticale d’hiver, de l’orge d’hiver, de la féverole d’hiver, de la silphie et un peu d’avoine. Pendant la phase de conversion, nous avons renoncé au colza et au blé dur d’hiver. A cela s’ajoutent encore le trèfle, le méteil et la variété “méteil plus”, qui ne nécessitent aucun apport d’engrais. J’ai également semé du ray-grass en couverts permanents.”

La réussite tient avant tout aux salariés

L’exploitant est très satisfait de son équipe actuelle : ”Je m’entends particulièrement bien avec Sebastian Ernst qui travaille à plein temps avec moi. C’est un véritable expert de la gestion des cultures. Nous passons beaucoup de temps à partager nos idées afin de développer ensemble l’exploitation. Martin Gruber qui est actuellement apprenti chez nous est également un très bon élément. J’ai accueilli aussi de très bons stagiaires. J’ai aussi du personnel à temps partiel qui s’occupe principalement de la conduite de tracteurs ou de la partie élevage, comme c’est le cas de Georg. Mon père est naturellement toujours là pour nous apporter son aide.”

En parlant de tracteurs, Georg Mayerhofer en possède déjà trois sur son exploitation et il prévoit prochainement l’achat d’un quatrième. Le plus puissant a 250 CV. Il dispose également de sa propre moissonneuse batteuse. Pour autant, Georg Mayerhofer n’est pas sur-mécanisé dans l’ensemble. Lorsque cela est possible, il s’organise en CUMA. En revanche, il y a selon lui des travaux qui doivent absolument être réalisés dans les temps, comme le passage de la bineuse et de la herse étrille. Il est déjà équipé d’une bineuse Transformer VF en 6 mètres et il prévoit l'acquisition d’une herse étrille l’année prochaine. Il s’est d’ailleurs déjà décidé pour une HORSCH Cura. “Le matériel ne me convainc pas seulement d’un point de vue technique’, dit l’agriculteur. “Je travaille avec HORSCH depuis de nombreuses années déjà. Nous partageons la même philosophie et nous poursuivons une quête commune : continuer à développer sans cesse les outils et les pratiques. Au-delà de cela, les contacts privilégiés et les échanges techniques avec les salariés de HORSCH sont toujours très inspirants”. Esquissant un sourire, Georg Mayerhofer ne manque pas de rajouter qu’il a a cependant récemment vendu son pulvérisateur HORSCH pour une raison particulière.

Le SIG: un système incontournable !

L’utilisation d’un système d’information géographique (SIG) fait partie intégrante du quotidien de Mayerhofer. Il travaille prioritairement avec le système John Deere “Operations Center”, qui gère les données telles que les cartes de rendement ou la gestion du jalonnage. Sans l'informatique, son exploitation ne pourrait pas tourner. L’agriculteur cultive actuellement 120 parcelles (dont 18 en maïs, 17 en blé et 9 en orge), qu’il protège de l’érosion en y implantant également souvent des bandes enherbées. Le nombre important de parcelles est un réel avantage : “Nous avons ainsi la possibilité d’instaurer une bonne rotation. Et cela a également un impact positif sur la biodiversité”. Ce sujet revêt une importance toute particulière pour Georg Mayerhofer. Lors de notre tour de plaine, nous passons devant un champ au centre duquel se trouve une bande enherbée de 6 mètres de large, et d’où s’élève des espèces diverses et colorées. “C’est une banque de coléoptères que nous avons établie afin de constituer un habitat pour les micro-organismes du sol mais aussi pour les oiseaux”, nous explique Mayerhofer. “Nous avons initié cette démarche dans le cadre d’un programme de recherche et sommes accompagnés par une équipe de scientifiques”.

Un avenir plein de promesses

L’avenir de l’élevage porcin, que nous avons mentionné plus haut, n’est pas encore complètement défini. Georg Mayerhofer a cependant déjà des perspectives. “La poursuite de cette activité pourrait parfaitement bien s’intégrer à l’ensemble de l’exploitation, surtout si l’on considère les prix actuels du porc en label bio. J’ai dans l’idée de restructurer mon installation et de la réduire à trois porcheries uniquement, comparé aux cinq actuellement en activité. Je me laisse cependant encore du temps pour prendre ma décision. Je n’ai aucune pression. Les installations sont déjà payées et en bon état grâce à l’entretien qu’a assuré mon père. Bien sûr, cela serait un moyen très intéressant de pouvoir valoriser ma production de fourrage bio. Les principales difficultés que je vois concernent l’achat des porcelets.” En parallèle, Mayerhofer s’est déjà lancé dans une autre voie : la production de viande bovine haut de gamme de race Wagyu. Georg Mayerhofer est en train de constituer son cheptel. Il se lancera dans la production de viande lorsqu’il aura atteint le nombre de bêtes requis. Il explique sa stratégie en ces mots : “L’élevage de bœufs est installé sur une ferme à part. Je peux y utiliser une stabule l’hiver que je pourrai agrandir au besoin. Des prés sont à proximité. Je pourrai dans un premier temps les faucher, puis au besoin les clôturer pour les faire pâturer. La phase finale d’engraissement sera assurée grâce à un fourrage protéique produit en propre. Même si mes salariés et moi-même sommes des cultivateurs passionnés avant tout, nous restons des exploitants agricoles. Nous nous devons donc de penser à un système de production qui s’inscrit dans une approche holistique. L’élevage doit donc en faire partie.”