Quelles alternatives en protection des cultures
Le durcissement des contraintes réglementaires et l’augmentation des résistances impactent fortement le marché de la protection des cultures. HORSCH étudie différentes alternatives en menant ses propres essais. Theo Leeb nous en dit plus sur l’avancée des études menées actuellement au sein de l’entreprise.
Application ultra-localisée d’herbicide
Pour l’application d’herbicide dédiée à la régulation des adventices et des graminées, certaines alternatives existent déjà sur le marché. L’application ultra-localisée ou «SpotSpraying » représente le procédé le plus prometteur. Il consiste à traiter de manière ciblée les mauvaises herbes à partir d’un système de reconnaissance par caméra couplée à une IA. Les avancées sur ce procédé ont été exposées dans l’édition de terraHORSCH 26/2023. « La veille marché est constante sur le sujet. Nous développons notre propre procédé en interne et avons déjà pu faire des essais au champ », livre Theo Leeb.

Actuellement, l’efficacité du procédé de SpotSpraying est encore fortement contrainte par la variabilité des conditions météorologiques. La couleur du sol, le stade de développement des cultures et des adventices et bien d’autres facteurs ont en effet un impact significatif. La luminosité reste le facteur principal influant sur la qualité de la reconnaissance des plantes. « Une très large variété de conditions doit être prise en compte dans notre modèle : du ciel voilé au plein ensoleillement en été en passant par les multiples conditions de luminosité possibles en fonction de la position du soleil durant la journée (du zénith au coucher du soleil) sans oublier les conditions nocturnes », explique Theo Leeb. Toute la problématique réside dans la mise en œuvre d’un système de reconnaissance capable de s’adapter à toutes les variantes possibles de luminosité. « La société Ecorobotix propose une solution en 6 mètres de largeur permettant d’isoler la plante de l’environnement extérieur, comme dans un tunnel doté de spots lumineux produisant des conditions stables d’éclairage et de luminosité. Cela permet de s’affranchir des variables générées par les conditions d’ensoleillement et la météo et de fiabiliser la reconnaissance de la plante. L’efficacité de ce système est évidemment limitée par la largeur de travail. Cette solution reste difficilement adaptable pour des rampes de 36 mètres », ajoute Theo Leeb, conscient des limites d’un tel procédé. Ce dernier serait plutôt adapté pour les cultures intensives, notamment en maraîchage. Les exploitations utilisent déjà ce procédé pour lutter contre les mauvaises herbes récalcitrantes.

Désherbage électrique
Le désherbage électrique constitue une alternative pour lutter contre les mauvaises herbes. « Ce procédé n’est pas vraiment nouveau. Plusieurs sociétés travaillent sur le sujet depuis de nombreuses années, mais aucune solution industrielle éprouvée n’existe à ce jour. Ce procédé est très énergivore, ce qui limite la largeur de travail. Par ailleurs, le niveau d’intensité électrique mise en œuvre pose de réelles questions en matière de sécurité pour l’utilisateur. »

Pour détruire efficacement une adventice par électrocution, le facteur « délai d’efficacité » doit être pris en compte au côté de la quantité suffisante d’énergie puisque les plantes disposent d’une faible conductivité électrique. Pour maximiser l’effet du courant électrique, il est nécessaire d’avoir une vitesse d’avancement réduite, ce qui induit un débit de chantier faible. « Crop.zone a vite mis en évidence les limites du procédé », déclare Theo Leeb. « Il est possible d’augmenter la conductivité électrique des plantes et de réduire la résistance en appliquant un fluide conducteur a priori. Cela permet de transporter davantage d’énergie à travers la plante et de travailler à des vitesses plus élevées. »
Le système est conçu de la manière suivante : une solution saline augmentant la conductivité électrique de la plante est pulvérisée grâce à une rampe reliée à l’hydraulique à l’avant. Le courant électrique est acheminé à travers la plante grâce à des applicateurs situés à l’arrière. « Ce procédé a pu remplacer une mesure herbicide totale. C’est une bonne alternative pour la destruction des couverts en semis direct. Au Brésil, nous avons pu observer des problèmes de résistances au glyphosate. Au moment de l’essai, le taux d’efficacité sur les adventices n’était pas encore assez satisfaisant. Crop.zone travaille actuellement sur de nouvelles idées et des innovations destinées à augmenter l’efficacité du procédé pour la destruction des couverts végétaux.» Ce procédé a été également mis à l’épreuve en Allemagne : « De bons résultats ont été obtenus pour la destruction de fanes de pomme de terre.»

La puissance requise est un facteur déterminant : « En l’état actuel du procédé, il faut compter 10 kW par mètre. Il faudrait donc compter 360 kW pour une largeur de travail de 36 m soit presque 500 ch supplémentaires pour tirer l’ensemble. Si l’on compare avec un traitement chimique conventionnel, la consommation de carburant est d’un litre par hectare. Le rapport coût/bénéfice reste donc encore très défavorable. » Pour autant, ce système est opérationnel pour certains cas d’utilisation. « Pour des cultures maraîchères intensives ou bien même en betterave, le procédé peut constituer une alternative pertinente », affirme Theo Leeb. « Par contre, la technique se heurte à des limites techniques claires d’un point de vue de la puissance requise et de la largeur de travail ce qui la rend peu performante pour des régions de grandes cultures comme les nôtres. » Rappelons cependant que ce procédé ne vise pas le débit de chantier mais offre une alternative aux traitements chimiques, dans un contexte où la réglementation et les problèmes de résistance prennent le dessus.
Biofongicides microbiens
Le développement de biofongicides microbiens est un sujet déjà bien connu : « L’utilisation de biofongicides microbiens est très répandue et a fait ses preuves à grande échelle au Brésil. Cette technique est utilisée majoritairement en soja et pour la culture du coton, et dans une moindre mesure en maïs. Nous nous sommes donc interrogés sur l’utilisation de cette technique pour les cultures de céréales en Europe. Nous avons lancé plusieurs tests sur nos exploitations. Pour le moment, le principal problème réside dans le choix du biofongicide adéquat parmi toutes les solutions disponibles. Les premiers essais ont permis de comparer plusieurs types de produits, avec de bons résultats à la clé. Pour le traitement des maladies foliaires en blé, nous n’avons pas encore atteint le même niveau d’efficacité que celui permis par la chimie. Il y a néanmoins du potentiel notamment lorsque l’utilisation de ces agents biologiques est coordonnée avec les mesures de pulvérisation. » L’essai a été réalisé au stade Z30-31 et Z39-49 et a permis de comparer trois protocoles. Le premier a intégré deux applications de biofongicides microbiens. Le second a consisté dans un traitement chimique suivi d’un premier traitement biofongicide puis un second au stade Z39-49. Le dernier protocole a intégré deux applications chimiques. « La combinaison traitement chimique suivi du biofongicide microbien a permis d’obtenir de bons résultats », détaille Theo Leeb.
En matière d’insecticide, nous ne bénéficions d’aucun retour d’expérience sur les agents biologiques en Europe. Il demeure difficile d’extrapoler les travaux réalisés à l’étranger. Il s’agit d’un sujet d’autant plus sensible que les conséquences d’une attaque d’insectes sont souvent d’une grande ampleur.
Perspectives
« L’avenir sera fait d’une multitude de technologies. Chacune d’entre elle permettra de répondre à une problématique bien spécifique », rappelle Theo Leeb. « Dans de nombreux essais, nous avons constaté que la réduction de dose revêtait des enjeux importants. À des stades de développement particulièrement sensibles en particulier, l’utilisation maîtrisée d’herbicide, restreinte à une zone donnée offre par ailleurs des gains de rendement intéressants.»