Expertise et échanges au cœur des séminaires HORSCH 2024
Après une pause forcée de près de 5 ans due à la crise sanitaire, les séminaires HORSCH ont fait leur retour. Cette année, deux sessions étaient proposées à Linstow et Schwandorf sur des thématiques variées. Les participants étaient conviés la veille à une soirée conviviale favorisant les échanges.

Prof. Dr. Bernhard Bauer
Le séminaire a été introduit par le Prof. Dr. Bernhard Bauer de l’Université des Sciences Appliquées de Weihenstephan-Triesdorf sur la thématique «Gestion des graminées en céréales – stratégies de désherbage mécanique, chimique et combinée ». Il a d’abord affirmé qu’il n’existait pas de solution universelle dans la lutte contre les graminées. Le vulpin constitue actuellement la problématique centrale. Il est nécessaire de réfléchir à des stratégies susceptibles de contenir ce problème à un niveau acceptable. L’objectif est de viser un niveau de réussite supérieur à 90% afin d’éviter que la pression des graminées augmente. Dès lors, une question centrale se pose : comment intégrer cet objectif dans une stratégie globale de conduite des cultures ? Les solutions doivent intégrer aussi bien le désherbage chimique que des itinéraires agronomiques et techniques. Les solutions chimiques démontrent une efficacité importante face à la pression des graminées. Cela explique pourquoi ces solutions sont prioritairement utilisées en agriculture conventionnelle. Cependant, il convient d’optimiser encore l’utilisation d’herbicides pour faire face aux problèmes de résistances.
La suite de son exposé était dédiée aux retours d’expériences et résultats de différentes stratégies testées. Ces différents exemples intègrent des stratégies de travail du sol mais également des choix de rotation réfléchis pour lutter de manière ciblée contre les graminées. L’adaptation de la rotation est nécessaire pour contrer la pression des graminées puisque l’utilisation d’herbicides exercent une pression de sélection très forte sur les adventices. En pratique, il s’avère que l’alternance d’itinéraires de travail du sol différents d’une année sur l’autre - tantôt superficiel, tantôt profond – permet d’augmenter l’efficacité des mesures de désherbage, en stimulant la mise en germination des adventices à différents niveaux. En matière de rotation, le Prof. Dr. Bauer conseille d’intégrer des cultures d’été et des couverts végétaux. Il a conclu par quelques points de vigilance : veiller à une mise en œuvre réfléchie de l’utilisation d’herbicides de pré-levée mais également miser sur une bonne qualité d’applications des herbicides foliaires pour en maximiser le potentiel d’efficacité.
Theo Leeb
Theo Leeb a réalisé un exposé intitulé « Techniques de pointe en fertilisation et protection des cultures – Quel système est-il mature pour l’utilisation au champ ? ». Il a introduit son propos en évoquant certaines décisions politiques récentes, telles que la prolongation de l'utilisation du glyphosate pour dix années supplémentaires, le débat sur le Green Deal - en particulier l'échec d’une décision sur les objectifs initiaux de réduction des produits phytosanitaires - ainsi que les nouvelles réglementations européennes CRISPR/Cas encadrant les modifications génétiques. Ces décisions auront tôt ou tard une influence sur l'orientation des politiques et des développements techniques à l’avenir. Malgré l'échec de la réduction obligatoire de l’utilisation des produits phytosanitaires, les économies d'intrants restent néanmoins un objectif important.

Source: @agrarluke
Le SpotSpraying ou pulvérisation localisée représente à ce titre une technique prometteuse.
Cette technologie recouvre en fait deux types de procédés différents : le « vert sur vert » et le « vert sur marron ». On entend ici par « marron » le sol et par « vert » la végétation en général, qu’il s’agisse de la culture elle-même ou bien des adventices. Dans le premier procédé, un système de caméra dissocie la culture elle-même des adventices ce qui permet une application ciblée par typologie de plante. Dans le second, toutes les zones vertes détectées sont alors pulvérisées. A l’intérieur de ces procédés, il faut distinguer de manière plus globale les méthodes « Offline » (hors-ligne), des méthodes « Online » (en ligne). Le procédé « Online » fonctionne grâce à des caméras fixées sur la rampe. La reconnaissance, l’analyse et l’application sont réalisées simultanément lors du passage du pulvérisateur. Les procédés dits « Offline » sont basés sur des informations issues d’une numérisation effectuée a priori à l’aide d’un drone exploitées ensuite pour produire une carte d’application cartographiant précisément les zones à traiter. Ces données sont ensuite transférées vers le terminal de la machine afin de traiter la parcelle de manière ultra-localisée. Dans le procédé « vert sur vert » la reconnaissance des cultures est effectuée à l’aide d’une intelligence artificielle.
Des méthodes basées sur l'IA sont utilisées pour l'évaluation, en particulier pour la détection du « vert sut vert ». Le grand défi consiste ici à mettre à disposition suffisamment d'images appropriées pour l'entraînement des algorithmes d'IA. De plus dans le cas du procédé Offline, il s'agit de maintenir la durée la plus courte possible entre le survol pour l’acquisition des informations et l'application de l’herbicide. « Notre objectif est de proposer à l'avenir notre propre système SpotSpraying », prévoit Theo Leeb. Avec l'épandeur d'engrais pneumatique Xeric, HORSCH LEEB s'est également lancé dans le domaine de la fertilisation. Les exigences et les souhaits des agriculteurs en ont été la base. Les avantages du concept résident avant tout dans la précision de l'épandage des engrais les plus divers.
Ferenc Kornis
Ferenc Kornis (N.U. Agrar GmbH) a tenu un exposé intitulé « Gestion des ravageurs et stratégie d’implantation du colza pour la campagne 2024 ». Le changement climatique s’accompagne de températures toujours plus élevées induisant de multiples problématiques. Les charançons et les petites altises constituent les deux menaces principales en colza. Pour la lutte contre les altises, deux possibilités existent : les insecticides pyréthroïdes et le Minecto (cyantraniliprole 400 g/kg).

Source: @agrarluke
Les pyréthroïdes présentent toutefois l'inconvénient d'être souvent dégradées en grande partie par les rayons UV au bout de quatre jours seulement, ce qui rend leur protection insuffisante. La solution actuelle repose sur les pyréthroïdes, ce qui signifie que les résistances sont inévitables. Pour endiguer l’altise, le prérequis est d’obtenir des plantes robustes et de prévenir par ailleurs la ponte. Pour les charançons, il est indispensable de placer les cuvettes jaunes suffisamment tôt dans le champ, dès la fin octobre, afin de ne pas se laisser surprendre. Comparée à l’altise ou au charançon, le méligèthe est plutôt inoffensif et ne nécessite généralement pas de traitement.
En 2024, le colza a subi de très fortes carences en azote. La carence en azote se reconnaît au changement de couleur des feuilles qui deviennent violettes, car l'azote est transporté des vieilles feuilles vers les jeunes feuilles. En raison du changement climatique, l'automne est de plus en plus long, ce qui stimule la croissance de la plante alors que nous nous trouvons dans une phase normalement dépourvue de végétation. Cela augmente la probabilité de carences et la perte de feuilles. Les bourgeons en pâtissent à leur tour. En résumé, les ravageurs du colza profitent du changement climatique. Sans le recours aux insecticides, la culture du colza pourrait devenir difficile à l'avenir, car les pertes de rendement causées par les insectes augmentent.
Philipp Horsch
Philipp Horsch a clôturé le séminaire de Linstow sur le thème « Dépose parfaite de la semence - un défi pour les techniques de semis à disques ». En grandes cultures, nous devons admettre que nous avons nos limites en matière de niveaux de rendement. A cela s’ajoutent d’autres problématiques telles que le changement climatique ou encore les insectes nuisibles. Dans ce contexte, il s’agit donc de déterminer quels seront les leviers encore disponibles à l'avenir. Alors que les objectifs de maximisation des rendements et d'optimisation des coûts constituaient les deux priorités jusqu’ici, on note désormais que l'optimisation du rendement concentre tous les efforts. Au cours des 50 dernières années, les rendements ont augmenté en lien avec l’amélioration de la précision de travail. Quel est le statut actuel en céréales ? Quels que soient les différents critères considérés, que l’on parle d’interrang, de la distance entre les graines sur la ligne de semis, de profondeur de semis ou de positionnement de la semence dans la ligne de semis, la précision est la clé de la réussite. Le principe de l’élément semeur à double disque a constitué un tournant dans la maîtrise de la mise en terre de la graine et la précision de la profondeur de semis. L'objectif au semis est de garantir des levées les plus homogènes possibles afin de créer des conditions optimales pour le développement de chaque plante.
Avec le nouveau semoir Solus, HORSCH mise sur une technique combinant précision de la profondeur de semis et une qualité de mise en terre parfaite et homogène grâce aux roues de terrage montées des deux côtés. En parallèle du concept du Solus, HORSCH poursuit le développement de l’élément semeur ParaDisc Plus. L’objectif est d'intégrer au sein d’un élément semeur à double disque, un système capable de garantir une qualité de semis parfaite afin de travailler en conditions humides, tout en minimisant le temps de changement. L'objectif est de concevoir un élément semeur combinant précision et sécurité d'utilisation maximales afin d'augmenter également la précision de travail des semoirs universels. HORSCH propose déjà une grande variété de techniques de semis pour un placement précis des semences, adaptées à différentes conditions. Aujourd'hui, la gamme de semoirs à disques offre sept variantes d’éléments semeurs. Cette diversité permet d'obtenir une précision de travail pour répondre aux exigences des agriculteurs du monde entier, quelles que soient les conditions. « Nous travaillons constamment à l’amélioration de nos composants en ciblant l’augmentation de la précision pour l’ensemble de nos éléments semeurs ».
Dr. Sabine Andert
Dr. Sabine Andert (directrice de l'institut spécialisé pour la protection des plantes au Julius Kühn Institut) a ouvert le séminaire de Schwandorf avec un exposé intitulé « Le ray-grass est-il le nouveau vulpin des champs ? ». Selon elle, il s’agit d’un problème très actuel qui a gagné en acuité au cours des deux ou trois dernières années. En effet, la propagation du ray-grass est en forte augmentation dans toute l'Allemagne. Le ray-grass constitue une problématique importante pour les rotations intégrant des graminées, en particulier dans les régions où la culture fourragère est très développée. Si ces graminées ne sont pas régulées de manière conséquente, elles peuvent entraîner d'énormes baisses de rendement. Des études ont montré qu'une densité de 20 plants par mètre carré entraîne déjà une baisse de rendement considérable. Certes, les graminées préfèrent les sites riches en nutriments, mais elles peuvent aussi s'établir sur des sites à faible rendement. Le ray-grass est actuellement en train de prendre le monopole. Tandis que le cycle de vie du vulpin est annuel, celui du ray-grass est en partie pluriannuel. Dans le cas du ray-grass, on ne peut pas non plus parler de première et deuxième vague de levée ou d'une période de germination principale, ce qui complexifie encore la planification des mesures de lutte. Ainsi, les ray-grass peuvent germer pendant toute la période de végétation et le potentiel de germination est nettement plus élevé que pour le vulpin. Le Dr. Sabine Andert, explique cette augmentation par les proportions élevées de céréales d'hiver dans les assolements ainsi que la récurrence d’hivers plus doux. Selon elle, la stratégie de lutte doit donc être réfléchie et implique une réorientation des itinéraires techniques. Cela passe déjà par des rotations plus complexes et des approches transversales au niveau de l'exploitation. Une solution efficace est par exemple un travail du sol adapté au sein de la rotation des cultures qui passe par un enfouissement des semences de ray-grass en profondeur car le ray-grass a tendance à germer au niveau des couches de sol très superficielles.

Prof. Dr. Dr. Urs Niggli
Le professeur Niggli est directeur de l'Institut d'agroécologie. Son intervention était placée sous la problématique « Quelle agriculture pour nourrir le monde ». Cette question s'inscrit dans le contexte de croissance démographique continue avec une population mondiale de près de huit milliards d'individus aujourd’hui. Cette réalité se traduit par des défis cruciaux en matière d'alimentation à l’échelle mondiale.
Les orientations et niveaux de productivité actuels matérialisent la volonté de pouvoir nourrir le monde, une conviction ancrée par la révolution verte. De plus, depuis les années 60, nous avons réussi à maintenir stables les surfaces agricoles. La surface agricole étant une ressource limitée, tout autre scanério constituerait une « catastrophe écologique ». Il faut pratiquer une agriculture durable mais productive et protéger les écosystèmes d’un détournement pour la production alimentaire. Niggli a décrit quelques solutions pour répondre à ces défis. Pour lui, la sobriété constitue la meilleure voie possible. Cela signifie moins de production de déchets, moins de suralimentation ou de malnutrition, moins de production de viande. Il faut donc un changement de tendance vers une alimentation plus raisonnable. Un scénario purement végétalien ne réussira toutefois pas à s'imposer. De plus, le Prof. Dr. Niggli n'attribue pas à l'agriculture biologique (à l'échelle mondiale) une grande pertinence pour garantir la souveraineté alimentaire mondiale en raison des niveaux et de la stabilité moindres des rendements par rapport aux systèmes de production conventionnels.
La réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires constitue un autre défi d’envergure. Pour cela, la digitalisation et l'agriculture de précision pour lesquelles des équipements modernes sont indispensables, peuvent y contribuer. La sélection végétale a également un rôle à jouer puisque l’amélioration des procédés de sélection peut permettre de réduire l'utilisation de produits chimiques dans l'agriculture.
Comment allons-nous nourrir les gens ? À l'avenir, nous devrons utiliser une plus grande part de protéines végétales et réduire de moitié la consommation de viande. Il s’agira également de diminuer de moitié les gaspillages alimentaires et d’embrasser un modèle de production agricole durable.
Johannes Bokern
Johannes Bokern, consultant au sein de la société GBB, est intervenu sur des problématiques économiques et la pertinence économique des modèles d’exploitations en lien avec le niveau d’intensité de production. Un sujet hautement complexe englobant de nombreux détails que les exploitations doivent prendre en compte dans leur gestion quotidienne. Tout d'abord, il va de soi que le choix des cultures pratiquées et de l’intensité d'exploitation adéquats relèvent d’une décision individuelle.
La loi des rendements marginaux stipule que le rendement croît jusqu'à un certain point.
Autrement dit, lorsque l’on augmente les moyens de production, le rendement supplémentaire obtenu devient de moins en moins important. L'intensité optimale constitue donc le moment précis où le rendement supplémentaire obtenu et les coûts engagés pour le réaliser sont égaux. Ce moment-là équivaut à un optimum économique. Souvent, diverses restrictions ne permettent toutefois pas d'atteindre cet optimum économique. Par exemple, les coûts élevés d'exécution du travail empêchent d'atteindre des rendements nets élevés. Ceux-ci ont augmenté d'environ 30 % au cours des dernières années. La majeure partie de cette hausse est due à l'augmentation du prix du diesel et à la hausse des taux d'intérêt. Le facteur taux d'intérêt, en particulier, a entraîné une situation complètement nouvelle dans de nombreuses entreprises et a bouleversé tous les calculs établis ces dix dernières années.
C'est pourquoi Johannes Bokern conseille de réfléchir et remettre en question les processus et l'intensité de travail de manière continuelle. Dans de nombreuses exploitations, l'assolement standard colza, blé, orge atteint actuellement ses limites d’un point de vue de la pression des maladies, mais aussi de la réglementation de la fertilisation et de la lutte contre les adventices. C'est pourquoi les agriculteurs diversifient déjà leur assolement en intégrant deux cultures de printemps. Cela permet, à intensité égale, d'économiser des coûts de travail, par exemple sous forme de diesel. Il s'est avéré, par exemple, que la suppression de cycles complets de travail du sol constituait le levier le plus significatif pour réduire les coûts. L’essentiel est d’agir de manière ciblée en fonction de la situation. Le modèle d'exploitation doit être adapté aux conditions et aux besoins de chacun.
Michael Horsch
Michael Horsch a clôturé l’édition 2024 du sémaire HORSCH 2024 et s’est consacré à la thématique « Précision de travail – nivellement des parcelles ». Il est d’abord revenu sur les expériences conduites sur l'exploitation AgroVation en République tchèque. Lors de la reprise de l'exploitation en 2012, l'ensemble des parcelles a été converti au Controlled Traffic Farming. Des évolutions très marquées ont pu être observées. Le nivellement des parcelles était devenu de plus en plus irrégulier en raison du sens de travail toujours identique. En 2018, il a été décidé de contrer cet effet pervers en effectuant le travail du sol dans différentes directions.

Au cours de son exposé, Michael Horsch s’est interrogé sur le point de départ de la précision. La qualité de travail et la réussite des opérations suivantes sont prédéterminées par la présence de chaumes courts, la répartition idéale des pailles et le nivellement de la parcelle. Ces trois points constituent les prérequis pour un travail de précision dans chaque champ. Il est essentiel d'harmoniser les machines entre elles et de les adapter aux exigences individuelles.
L'aboutissement de la précision est le semis. Quelque soit l’espèce, une graine recherche toujours les mêmes conditions. La pousse de la radicule est orientée par la gravité, c'est-à-dire vers le bas. La radicule s'attend à ce que la densité du sol augmente continuellement en dessous de la graine. C'est une condition essentielle pour garantir la réussite de la germination et le développement maximal du système racinaire . A l’heure des évolutions climatiques toujours plus marquées, il est crucial de sécuriser la mise en place des cultures.