Home » Édition 19-2019 » Entre nous… » HORSCH en Amérique du Nord (Philipp Horsch)

HORSCH en Amérique du Nord

HORSCH est présent sur le marché nord-américain depuis de nombreuses années. Philipp Horsch expose l’histoire de HORSCH outre-Atlantique et présente les objectifs.

terraHORSCH : Qu’est-ce qui a incité l’entreprise HORSCH à s’installer aux Etats-Unis ?
Philipp Horsch :
Notre famille a toujours eu une grande affinité pour l’Amérique du Nord, notamment au travers de nos divers liens familiaux avec les USA. La plupart des membres de notre famille y ont d’ailleurs vécu un certain temps. Le fait de développer nos activités outre-Atlantique était certes une décision stratégique, mais aussi et surtout une décision intuitive. Depuis le début des années 1990 nous sommes présents sur le marché nord-américain. Dans un premier temps, nous avions collaboré étroitement avec la société Case pour développer un Terra-Trac spécifique. Nous avons aussi développé un nouveau modèle de semoir à dents en collaboration avec la société Concord, destiné aux marchés européens. De cette coopération est né à l’époque le fameux Airseeder (en France, Deltasem) qui a été commercialisé avec succès en Europe. Le transbordeur HORSCH UW 160 a également été entièrement fabriqué selon nos spécifications aux USA, puis importé. Comme nous étions régulièrement sur place, nous avons éprouvé le besoin de nous investir davantage sur le marché local. A la fin des années 1990, nous avons lancé conjointement avec Kevin Anderson la nouvelle génération d’Airseeder spécialement conçue pour le marché nord-américain. C’est ainsi que le succès de l’entreprise a progressivement pris son envol. Tout naturellement, la question de l’ouverture d’une structure propre aux USA s’est posée afin de pouvoir aussi produire sur place.

terraHORSCH : Comment décririez-vous la situation actuelle de HORSCH aux Etats-Unis ? Où se positionne l’entreprise aujourd’hui ? Peut-elle s’affirmer ?
Philipp Horsch : En 2011, nous avons pris la décision de créer une entité à Fargo, dans le Dakota du Nord. En automne 2013 à la fin des travaux de construction, nous avons déménagé du Dakota du Sud à Fargo, dans le Dakota du Nord. Malheureusement, à ce moment-là, le marché s’est complètement effondré aux Etats-Unis. Les prix du soja et du maïs ont chuté massivement, quasiment de moitié. Le marché en souffre toujours et montre encore des séquelles. Dans la foulée, les revenus des agriculteurs ont fortement reculé et, par voie de conséquence, la propension à l’investissement. Le marché de l’agroéquipement a chuté de près de 50% à 60%. Nous n’étions pas préparés à cet évènement à cette époque. A la suite de plusieurs années de croissance aux Etats-Unis, nous étions plutôt euphoriques et très confiants en l’avenir de notre nouvelle structure à Fargo. Depuis cette date, le marché outre-Atlantique est devenu très difficile. 

On ne peut guère s’attendre à une amélioration de la situation pour cette année, ni pour l’année prochaine. Ce printemps en Amérique du Nord a été marqué par un temps pluvieux et froid. Les semis du maïs et du soja ont eu lieu tardivement, ce qui a retardé les récoltes en fonction des régions de quatre à huit semaines. Jusqu’à peu de temps encore, il pleuvait encore beaucoup dans le nord des Etats-Unis.

Aux USA et dans certaines régions du Canada, les agriculteurs ont souvent dû faire face à de mauvaises conditions climatiques pendant les récoltes. L'arrivée précoce de l'hiver a fini par décourager certains agriculteurs. Les rendements - dans la mesure où nous pouvons en juger à ce stade - sont plutôt médiocres, mais il faut tenir compte du fait que près de 10% des surfaces agricoles n’ont pas pu être ensemencées au printemps ou ont été praticables trop tardivement pour les semoirs. De plus, les agriculteurs doivent se démener avec les prix extrêmement bas. Globalement, on peut dire que le marché nord-américain est soumis à de rudes épreuves et que le développement des affaires est encore hésitant. Et c’est peu dire, l’année à venir sera probablement plus difficile encore que l’année écoulée !

terraHORSCH : Comment se positionne le marché canadien ? Quelles sont les différences avec les USA ?
Philipp Horsch : Depuis les années 1990, l’agriculture au Canada est dominée par la culture du colza. Néanmoins, en raison du changement climatique et grâce à l'amélioration des variétés, on voit petit à petit apparaître du maïs, du soja et des légumineuses. Les agriculteurs profitent fortement de cette évolution, car ces nouvelles cultures viennent stabiliser et améliorer leur revenu, mais elles permettent aussi des rotations culturales plus productives. Le colza continue à jouer un rôle majeur au Canada. Au cours des dernières années, le marché canadien se portait toujours un peu mieux que le marché américain, notamment parce que les Canadiens étaient moins dépendants du maïs et du soja. Cependant, les Canadiens ont tout de même dû faire face à de grandes difficultés dans le domaine du colza l’année passée, causées par les turbulences commerciales avérées avec la Chine.
Les marchés US et canadiens se trouvent actuellement en quasi stagnation dans la mesure où ils sont, tous les deux, soumis à de fortes pressions. Nous ne baissons pas les bras et continuons à investir, par exemple dans une unité spécialisée dans les pièces détachées à Saskatoon (province de Saskatchewan). Nous avançons lentement, mais nous gardons notre cap.

terraHORSCH : Quelles sont les stratégies appliquées par HORSCH pour asseoir sa présence sur le marché nord-américain ?
Philipp Horsch: Principalement, nous sommes très occupés par la mise en place d’un réseau de distribution efficace. Ce faisant, nous nous concentrons sur le centre nord des Etats-Unis, la Corn Belt, et l’Ouest du Canada. Il n’est pas facile d’y établir un réseau de distribution et nous avons fini par réaliser qu’il était nécessaire d’apporter un soutien plus prononcé depuis notre siège en Allemagne. Dans cet objectif, nous avons pris d’importantes mesures cette année. Nous avons envoyé plusieurs collaborateurs de notre site allemand à Fargo qui viennent apporter leur expertise dans différents domaines. Un des collaborateurs s’occupera tout particulièrement de la mise en place du logiciel SAP et de l’harmonisation des systèmes de développement. Un autre collaborateur se chargera des services. Début de l’année prochaine, nous enverrons un autre collaborateur aux Etats-Unis pour qu’il puisse développer le réseau de distribution en coopération avec les collègues du service commercial. Ces mesures importantes montrent notre attachement au marché nord-américain. Nous investissons sur le marché, non seulement sur l’infrastructure, la distribution ou le personnel, mais nous nous attelons également à transmettre la culture HORSCH sur le marché nord-américain.
Nous sommes très confiants en l’avenir du marché nord-américain. Néanmoins, il est encore restreint pour le moment et notre chiffre d’affaires s’élève à près de 30 millions de dollars US. Avant la crise nous avions déjà atteint un chiffre d’affaires plus élevé. Nous continuons à remonter la pente.
Par ailleurs, nous avons investi dans une ferme à Downs dans l'Illinois. Nous effectuons des essais sur le terrain et organisons des présentations de machines ainsi que des sessions de formation. En principe, ce site est censé servir aux projets de développement agraires et à l’amélioration de la communication avec nos clients et partenaires commerciaux. C’est une des clés pour réussir sur le marché nord-américain sur le long terme. Notre objectif étant toujours de pouvoir offrir une valeur ajoutée à nos clients.

terraHORSCH : Quels sont vos projets d’un point de vue technologique ?
Philipp Horsch : Aux Etats-Unis, nous produisons avec l’unité de mesure en pouce afin que les produits qui ont été développés puissent aussi être fabriqués. Pour ce faire, nous apportons notre savoir-faire et complétons les produits nord-américains avec des composants adaptés en provenance d’Europe.
Notre stratégie sur le long terme est d’améliorer l’harmonisation de nos développements avec nos sites de production partout dans le monde. L’objectif étant de réfléchir dans une perspective de plateforme mondiale. Cela impliquerait pour les Etats-Unis qu’à l’avenir des machines soient aussi produites en respectant le système métrique. Si nous étions capables de développer et de fabriquer en utilisant les mêmes unités de mesure sur chaque site de production, nous serions à même de réagir de manière flexible à de nouvelles conditions de marché. La situation idéale serait que nous puissions faire tourner nos usines à plein régime partout dans le monde et produire pour un marché global. Ceci est une de nos visions.
Nous pensons qu’à terme, le marché nord-américain aura le même potentiel en matière de chiffre de d’affaires que le marché européen.

terraHORSCH : Pourquoi est-il si difficile de s'implanter sur le marché nord-américain ?
Philipp Horsch :
Les réseaux de concessionnaires jouent un rôle clé. Les concessionnaires sont souvent des distributeurs exclusifs d’une marque unique. L’infrastructure commerciale est toute autre que celle que nous connaissons en Europe. Nous constatons que les choses évoluent lentement mais sûrement. Les exploitants agricoles ne sont plus enclins à se laisser forcer la main par les concessionnaires à se limiter à un seul constructeur d'agroéquipement. Ils souhaitent pouvoir choisir parmi une offre plus diversifiée.
Une autre raison explique la difficulté de s’implanter sur le marché nord-américain : c’est bien sûr l’immensité du marché. Nous ne nous concentrons pas encore sur toute l’étendue du pays, mais dans un premier temps uniquement sur certaines parties des Etats-Unis et du Canada. Dans cette démarche, il est très utile qu’une seule langue soit parlée à l’exception d’une région du Canada et que d'un point de vue réglementation, l’espace juridique soit relativement homogène.

« J’ai passé une année aux USA dans ma jeunesse pour me familiariser avec l’agriculture locale et le pays. »

terraHORSCH : Quelles sont les autres thématiques qui impactent le marché nord-américain ?
Philipp Horsch : Comme en Europe, les thématiques environnementales jouent également un rôle important en Amérique du Nord. La région de la Corn Belt au centre des Etats-Unis abrite les plus grands lacs du pays. L'apport croissant de nutriments qui proviennent de l’agriculture dans les cours d’eau est de plus en plus discuté. En parallèle, d’autres actions sont davantage mises en œuvre, comme par exemple le recours au génie génétique. Même les agriculteurs d’Amérique du Nord ont réalisé entretemps qu’il ne fallait plus ignorer les thématiques sociétales, mais les affronter. Débattre de ces sujets si ouvertement était encore impensable il y a peu.
Par ailleurs, la société remet de plus en plus en cause la manière de pratiquer l’agriculture dans la Corn Belt, notamment la problématique des rotations rapides entre le maïs et le soja. Pour cette raison, les agriculteurs s’intéressent davantage aux cultures intermédiaires et à l’extension de principe des pratiques d’assolement. L’agriculture biologique est de plus en plus mise en avant.

terraHORSCH : Y-a-t-il des sujets qui préoccupent davantage les agriculteurs nord-américains qu’européens ? 
P
hilipp Horsch : Il y a un domaine pour lequel les Nord-Américains ont plus d’affinité que les européens : c’est « l’agriculture sur ordonnance ». En Amérique du Nord, on fait davantage confiance aux consultants extérieurs qu’en Europe. Les conseillers en agriculture orientent et dirigent les exploitants agricoles. C’est aussi une question de mentalité et de culture. Tous les sujets traitant notamment de l'utilisation des outils numériques sont aussi répandus qu’en Europe.
Une autre différence entre les agriculteurs nord-américains et européens est la largeur de travail de leurs machines. Plus on progresse vers le Nord, plus la période de végétation est courte. Au printemps, les agriculteurs disposent de très peu de temps pour trouver le moment optimal pour procéder au semis. Pour cette raison, ils cherchent à cumuler le plus d’opérations possible. Les largeurs des machines sont plus importantes que chez nous. Dans le sud, la situation est différente. Les agriculteurs n'ont pas besoin de matériels de grande largeur mais en sont très friands. Pour ce faire, ils sont prêts à investir beaucoup d’argent. Une exploitation de 1 000 ha de surface cultivée en maïs et soja dispose dans tous les cas d’un semoir d’une largeur de 18 m en Amérique du Nord. En comparaison, pour la même surface cultivée, l’agriculteur européen utiliserait quant à lui un semoir d’une largeur maximale de 9 m. Dans ce contexte, les Nord-Américains sont plus technophiles que nous Européens. Les machines doivent être grandes et les processus culturaux doivent se faire rapidement. Ramené à l’hectare cultivé, ils sont prêts à investir beaucoup plus dans la technologie.