Home » Édition 19-2019 » Centre de formation » Journées de la Lucine

Journées de la Lucine 2019

HORSCH France organisait, pour la 12ème fois, les Journées de la Lucine, les 10, 11 et 12 septembre derniers. Cet évènement incontournable se déroule tous les deux ans sur la ferme de la Lucine, à Châteauvillain en Haute-Marne (52). Avec plus de 1 000 personnes accueillies sur trois jours, cette dernière édition fut une réussite.

Les Journées de la Lucine, organisées tous les deux ans au siège de la filiale française de HORSCH, prennent à chaque édition une ampleur supplémentaire. Le niveau d’organisation et la qualité de l’accueil avaient été revus à la hausse. Ces trois journées de conférences, de présentation de matériel et d’ateliers thématiques ont attiré cette année 1000 personnes, concessionnaires comme agriculteurs. Philipp, Michael et Cornelia Horsch ainsi que Théodor Leeb étaient présents.

La journée du 10 septembre était réservée aux membres du réseau, les agriculteurs étant conviés les deux jours suivants. Chaque journée s’organisait globalement de la même manière : une matinée de conférences, d’échanges et de débats – dont le détail est présenté ci-après - suivie d’un déjeuner convivial en extérieur. Les convives pouvaient alors assister à un show machine, avec une présentation des nouveautés des gammes HORSCH et HORSCH LEEB.

Le Leeb PT, premier automoteur HORSCH homologué en France, a notamment fait forte impression. Mais la toute nouvelle gamme « agriculture hybride » de HORSCH n’a pas été en reste. Les agriculteurs présents ont découvert la bineuse Transformer VF, la herse étrille Cura ST et le déchaumeur superficiel FinerSL.

Les journées s’enchainaient avec des ateliers, présentant chacun un pan de la gamme d’outils HORSCH sous des angles thématiques spécifiques :

  • Atelier « Agriculture hybride », avec une présentation plus poussée de la toute nouvelle gamme de désherbage HORSCH.
  • Atelier « Low Disturbance », mettant en avant les semoirs de semis direct HORSCH.
  • Atelier « Méthanisation », montrant la parfaite adaptation du dernier Focus TD au semis des CIVE (Cultures intermédiaires à vocation énergétique).
  • Atelier « Techniques Culturales Simplifiées », mettant à l’honneur deux versions différentes du Terrano GX, l’un destiné aux travaux profonds, l’autre aux travaux superficiels.
  • Atelier « Protection des cultures » détaillant les aspects techniques de la pulvérisation de précision sur les Leeb AX, Leeb PT et Leeb LT.

Après un dernier show machines faisant défiler l’ensemble des matériels, convives et employés de HORSCH pouvaient se retrouver autour d’un verre. Ces journées ne pouvaient pas mieux se terminer.

Jour 1 - Les résidus de pesticides en question

Les consommateurs se posent sans cesse plus de questions sur l’impact de leur alimentation sur leur santé. Après les relativement anciennes inquiétudes sur les quantités de sucre et de graisse dans notre nourriture, de nouvelles problématiques s’imposent peu à peu. Parmi elles, la question des résidus de pesticides dans notre alimentation devient de plus en plus centrale. La première matinée de conférences publiques a fait intervenir deux acteurs issus de mondes différents, apportant leurs propres éclairages sur le sujet.

Julie Sabourin est la responsable qualité et technique du « Collectif Nouveaux Champs », créateur du label « Zéro résidus de pesticides ». Cette initiative a été lancée par « Les paysans de Rougeline », entreprise de commercialisation de fruits et légumes, qui a lancé sa première gamme de produits garantis sans résidus de pesticides. C’est avec plusieurs autres entreprises, intéressées par le concept, qu’est né le « Collectif Nouveaux Champs » le 7 février 2018.

Les 7 entreprises fondatrices du collectif réfléchissent alors à une méthodologie pouvant s’étendre à toutes les productions végétales. « Le collectif représente aujourd’hui 20% de la filière « fruits et légumes » française. La croissance est extrêmement rapide ! Mais nous souhaitons généraliser notre démarche aux autres productions végétales », explique Julie Sabourin. C’est déjà en cours, notamment avec la vigne ou encore le blé dur.

Le collectif part du constat que la société demande plus de transparence sur la question des résidus de pesticides. « La demande est là : 89% des français exigent davantage d’informations sur la présence ou non de pesticides dans les produits alimentaires », souligne Julie Sabourin. « Avec le label zéro résidus de pesticides, la promesse est claire et lisible ». En effet, le collectif a fait le choix d’une obligation de résultat pour illustrer la promesse au consommateur. Cependant, ces résultats exigent des moyens. « Nous encourageons nos producteurs à s’orienter vers les alternatives aux pesticides de synthèses, comme les produits n’ayant pas de LMR (Limite Maximale de Résidus, NDLR) et pas de définition de résidu associée. Ils doivent aussi développer leurs connaissances des risques de contaminations croisées », détaille Julie Sabourin. Le label s’appuie d’autre part sur le label HVE (Haute Valeur Environnementale), une part importante des producteurs étant déjà certifiée ou en cours de certification.

De telles démarches seraient impossibles sans scientifiques à même de détecter ces résidus de pesticides. Elles peuvent s’appuyer sur des laboratoires d’analyses tels que le laboratoire Kneissler, fondé par Dr. Andreas Kneissler en 1993. C’est lui qui a conclu cette matinée de conférences.

Le laboratoire de Dr. Andreas Kneissler est spécialisé dans la détection de présence de substances actives, de mycotoxines et de pesticides.  Il est mandaté par des labels tels que « zéro résidus de pesticides » pour garantir la viabilité de leur démarche. « Nous réalisons 15 000 tests par mois, sur des denrées alimentaires, l’eau potable ou encore les fourrages », détaille Dr. Andreas Kneissler. « Notre métier exige une grande technicité. Pour exemple, détecter le glyphosate sur des olives sous sa LMR – 1 mg par kilogramme - revient à savoir où se trouve le capitaine du Queen Mary 2 sur son navire. Aujourd’hui, nous arrivons à savoir où se trouve sa casquette ».

Après avoir détaillé ses différentes méthodes d’analyses, Dr. Andreas Kneissler a présenté le projet HORSCH blé. L’objectif est de répondre à la question suivante : dans quelles circonstances le blé cultivé de manière conventionnelle ne contient-il pas de résidus de pesticides ? « Nous avons pour cela étudié les liens entre les conditions de culture et les résidus de pesticides dans le blé panifiable, en se basant sur des données agricoles et des données géographiques et météorologiques », déclare Dr. Andreas Kneissler. Les résultats seront bientôt publiés.

Que faire contre l’agribashing ?

Eddy Fougier était le troisième intervenant de la première matinée de conférences. Ce politologue a étudié avec attention plusieurs mouvements protestataires. Il exerce une activité de consultant sur ces sujets, et a notamment livré en 2018 une étude poussée sur l’agribashing. 
« Certains déforment ce mot, en prenant toute critique du monde agricole comme étant de l’agribashing. D’autres, au contraire, considèrent que l’agribashing n’existe pas », détaille-t-il. Le terme est en réalité bien défini :
« Sentiment partagé par de nombreux agriculteurs, selon lequel leur profession, certaines de leurs activités et le mode de production conventionnel font régulièrement l’objet d’attaques, de critiques, et d’un dénigrement dans l’espace public et en particulier dans les grands médias généralistes ».

 « La critique du mode de production conventionnel n’est pas nouvelle. L’utilisation d’hormones de croissance dans les années 70, ou des OGM dans les années 90, avait déjà été pointée du doigt », précise Eddy Fougier. Mais cette critique a fortement muté récemment. Elle a d’abord été élargie à de nombreuses thématiques (climat, bien-être animal, produits phytosanitaires…), puis s’est radicalisée dans les formes d’actions : actions visibles au travers de reportages diffusés aux heures de grande écoute ; actions invisibles, avec des intrusions sur les élevages, ou encore des agressions d’agriculteurs.

La réponse des organismes professionnels n’a au début pas été adaptée. « Elle était trop technique, trop éloignée des préoccupations des citoyens », déplore Eddy Fougier. Il faut également sortir des images d’Épinal, victimisantes : « 75% des français ont une opinion favorable des agriculteurs. C’est leurs pratiques qui sont mises en cause ».  Eddy Fougier préconise au monde agricole de saisir cette opportunité de reprendre en main sa communication, et de renouer le contact avec le consommateur.

En effet, il ne faut pas assimiler les associations qui émettent les critiques et les consommateurs. Leurs avis sont souvent très éloignés. C’est donc à ces derniers qu’il faut s’adresser. Les « attentes sociétales » sur la production agricole dont l’on parle souvent (bio, relocalisation etc…) ne sont en fait celles que d’une part encore minoritaire de la société. Une part minoritaire certes, mais bruyante. Selon le politologue, « il est donc essentiel de ne pas surestimer le poids de ceux qui vous critiquent ». 
« La société est polarisée. 60% des français déclarent être à 10 euros près pendant leurs courses. Le prix reste la première préoccupation. Et le citoyen lambda a bien moins de préjugés sur vous que vous ne le pensez ! », rassure Eddy Fougier.
Alors, que faire ? Selon Eddy Fougier, il est tout d’abord important de répondre aux contre-vérités sur les pratiques agricoles que l’on peut entendre dans l’espace public. Il est d’autre part indispensable d’utiliser les côtés noirs de l’agribashing, pour réagir avec une communication positive. « Le bon exemple s’est déroulé en octobre 2018. Après avoir reçu des menaces de mort de la part d’un voisin, les agriculteurs agressés ont décidé de ne pas se replier sur eux-mêmes, mais d’organiser une journée portes ouvertes pour présenter leur travail aux riverains de leur exploitation. Ce fut un grand succès, tout le monde en est sorti satisfait ».
Dernière action, et non des moindres : il faut profiter des critiques émises à notre encontre pour nous réinventer. Elles doivent être un levier d’innovation et d’intégration dans des nouveaux marchés, plutôt que de nous figer dans une guerre idéologique.

Jour 2 - De nombreux défis à relever

 « Jamais l’agriculture n’est aussi passionnante que lorsqu’il y a des défis à relever ». C’est avec ces mots que Michael Horsch a ouvert cette dernière matinée de conférences. Il s’est ensuite attelé à décrire quelques disruptions que l’humanité a connu ces 20 dernières années. Au premier rang, l’apparition du smartphone : « Il fait presque partie intégrante de nous, nous dormons avec ! Nous ne faisons encore qu’entrapercevoir les effets de cette petite machine sur l’humanité ». Autre rupture : l’évolution de la création d’énergie. En Allemagne, 40% de l’énergie provient de sources renouvelables suite à la fermeture brutale des centrales nucléaires. En Chine, on assiste aujourd’hui à un essor extraordinaire du solaire et de l’éolien !

Les voitures électriques sont un autre exemple : « Il y a six mois, si on m’avait posé la question, j’aurais répondu que ceux qui croient en la voiture électrique sont des idiots complets. J’avais tort ». Au point selon lui, d’affecter profondément l’industrie allemande. Cette industrie, intimement liée à la voiture à moteur à explosion, aura du mal à résister à la domination chinoise sur le marché des voitures électriques. « Je reste cependant optimiste. Nous autres, agriculteurs, nous aurons un rôle prépondérant à jouer dans les prochaines années ».

L’autocritique, source de progrès

 « Nous avons cependant l’impression de perdre peu à peu la main sur notre destin. En fait ce n’est pas exactement le cas. C’est juste que le pouvoir, jadis entre les mains des cercles politiques et économiques, est de plus en plus détenu par des ONG », explique Michael Horsch. Il poursuit : « Ce phénomène est très puissant en Allemagne. On accorde parfois plus de crédits à leurs dires qu’à ceux des scientifiques ! » Ces ONG cherchent le contact avec HORSCH, notamment parce que Michael Horsch s’est autorisé à critiquer sa propre entreprise. « A chaque fois, ce qui en est sorti a été positif », souligne-t-il. La discussion est toujours utile, constructive. « Il faut se dire que les ONG ne souhaitent pas forcément que l’intégralité de leurs revendications soient prises en compte, mais juste une partie. La discussion permet de trouver le compromis qu’elles recherchent ». A titre d’exemple, le président du syndicat européen des apiculteurs, contrairement à sa position initiale, ne souhaite plus que le glyphosate soit complètement interdit. En effet le glyphosate permet de maintenir certaines surfaces agricoles fleuries, telles des couverts végétaux dans le cadre de l’agriculture de conservation.

 « Ces exemples de consensus, de discussions, sont à l’image de ce que nous souhaitons faire à travers notre concept d’agriculture hybride : réunir le meilleur de deux mondes (l’agriculture biologique et conventionnelle), que tout semble pourtant opposer », explique Michael Horsch.  L’agriculteur et l’agriculture peuvent ainsi être le moteur de la lutte contre le réchauffement climatique, tout en gagnant de l’argent. A titre d’exemple, si l’Allemagne augmente de 0,1% le taux d’humus de ses sols sur ses 12 millions d’hectares de surface agricole, c’est 100 millions de tonnes de carbone qui seraient stockés. Sur le marché du carbone, une tonne de CO2, coûte environ 50 euros…

Michael Horsch a tout naturellement conclu son intervention comme il l’avait débuté : « l’avenir de l’agriculture n’a jamais été aussi intéressant qu’aujourd’hui ! »

Une question d’équilibre…

S’en est suivie l’intervention de Nicolas Kerfant, directeur général de la division Agro de BASF France. Interrogé sur sa vision du futur de l’agriculture, Nicolas Kerfant a préféré prendre du recul. Pour lui, dans notre société, tout est question d’équilibres. « Déplacer quelque chose sur la balance ne va pas forcément avoir un impact tout de suite, mais une fois que la société se met en mouvement, il est trop tard pour inverser la tendance ». Il a ensuite enchaîné : « Vous savez, je préfèrerais être à votre place qu’à la mienne ! Malgré ma position, malgré la belle entreprise pour laquelle je travaille, je ne réponds pas à un besoin aussi essentiel pour la société que vous ». Manger est en effet l’un des besoins les plus vitaux.

Nicolas Kerfant a ensuite brièvement présenté BASF, entreprise qui est engagée dans un très grand nombre d’activités variées. BASF est surtout une entreprise internationale, avec l’innovation comme ADN. 900 millions d‘euros sont en effet investis chaque année dans les solutions pour l’agriculture.

Une guerre de l’opinion déjà perdue ?

 « Il y a notre travail, nos solutions d’application trouvées, mais nous sommes également obligés de faire un constat : nous sommes exposés à l’agribashing. Nous perdons la guerre de l’opinion, si elle n’est pas déjà perdue », déclare Nicolas Kerfant.  « En ce qui concerne les produits phytosanitaires, cœur des attaques que nous subissons, aucun de nos efforts fournis ces 60 dernières années n’ont été suffisants ». Citons la diminution des matières actives de 60% ou encore la division par 13 de la dangerosité des produits. « Ma belle-mère est devenue en six mois une experte en protection des plantes. Alors on essaie d’être pédagogue, d’expliquer la différence entre dangerosité et risque, mais la désinformation présente sur internet est trop forte pour nous… »

Il faudrait, selon Nicolas Kerfant, que les scientifiques puissent « siffler la fin de la récré » en indiquant la bonne voie à suivre. La décision d’imposer des zones de non-traitement de 5 à 10 mètres en France, par exemple, ne se base selon lui sur aucun réel avis scientifique, mais serait purement politique. « De chaque côté c’est du lobbying, chacun défend sa position… »

 « Nous devons communiquer sur ce que nous savons faire, ainsi que sur nos innovations. Nous avons régulièrement à notre disposition des nouvelles solutions, telles que le biocontrôle basé sur les phéromones », détaille Nicolas Kerfant. Malgré ces innovations, le marché de la protection des plantes devrait connaître une forte baisse d’ici 2030, de 25 à 50%.

D’après Nicolas Kerfant, « D’ici quelques années, au moins 3 voies de l’agriculture subsisteront. L’agriculture conventionnelle, qui permet de nourrir le monde à moindre coût. L’agriculture bio, labellisée, relocalisée, qui répond aux critères d’une partie encore minoritaire mais non négligeable de la population. Et une agriculture intermédiaire, dont le nom n’est pas encore bien défini, qui pourra s’appuyer sur la démarche HVE (Haute Valeur Environnementale) ». Pourquoi ne pas la nommer agriculture hybride ? Dans tous les cas, chaque système est déjà obsolète, puisque tous en évolution constante. Il faut rester dans le mouvement.

Parmi les autres solutions nouvelles en développement, Nicolas Kerfant cite le blé hybride. Des sommes très importantes ont été débloquées et les résultats ne devraient venir que d’ici 3 à 4 ans. Ces blés devraient permettre un accroissement des rendements et être plus résistants aux maladies. Le numérique est également porteur de très nombreuses solutions, dans l’optimisation des applications et des doses. « Nous avons très peur des machinistes, parce que leurs solutions deviennent terriblement efficaces », détaille Nicolas Kerfant, en regardant Michael Horsch du coin de l’œil. « C’est un manque à gagner pour nous, mais ça va dans le bon sens ».

Durant la séance de questions-réponses, un agriculteur a demandé ouvertement si BASF avait des solutions chimiques pouvant se suppléer au glyphosate. La réponse de Nicolas Kerfant est sans appel : « Oui ! Nous avons des produits plus coûteux, moins efficaces et plus polluants… » A méditer…

Josef Hägler et la bonne gestion de la fertilité des sols en agriculture bio

Josef Hägler est agriculteur bio en Bavière et travaille sans labour. Il exerce également une activité de conseil auprès de ses collègues en bio comme en conventionnel et a une activité ETA. Il a conclu la dernière matinée d’interventions lors des journées de la Lucine en France.

L’exploitation de Josef Hägler a une SAU de 110 hectares et est située à 540 mètres d’altitude. La précipitation annuelle moyenne est de 600 mm. Ses sols plutôt légers, constitués de limons sableux, ont un potentiel faible. Il élève d’autre part des bovins viande.

Pendant 5 ans, Josef Hägler a participé sur son exploitation à une expérimentation sur l’effet du lisier sur l’activité du sol. Les sciences du sol sont depuis devenues une obsession pour lui.

Selon lui, le premier point d’attention est de bien doser la fertilisation. La sur-fertilisation du sol est aussi problématique qu’une sous-fertilisation. La sur-fertilisation d’un élément risque fortement de bouleverser l’équilibre des autres éléments.  Josef Hägler se base à ce titre sur la méthode Kinsey depuis plus de 10 ans. Les analyses de sol Kinsey se basent sur une méthode qui repose principalement sur la notion d’équilibre entre les éléments minéraux du sol et propose des actions de corrections en cas de problème.

Deuxièmement, Josef Hägler s’interdit d’enfouir du lisier qui n’a pas encore été décomposé. Il utilise une méthode spécifique pour que son lisier évolue et se décompose correctement, via la fermentation. Le fumier est passé dans un épandeur une première fois afin d’obtenir un mélange homogène et une bonne teneur en oxygène et d’éviter des déperditions d’azote. Le tas est ensuite compacté de l’extérieur avec un godet, ce qui empêche le CO2 de s’échapper. L’ensemble est surveillé à l’aide d’un thermomètre, la température ne devant pas dépasser les 55 degrés Celsius pour ne pas brûler les éléments fertilisants. Le silo ne doit pas être couvert, la lumière agissant sur le stockage de l’eau. L’été, le tas murit en 8 semaines, beaucoup d’éléments humiques sont générés.

Il met un point d’honneur à ne jamais enfouir de résidus encore verts à son sol. Cette simple erreur entrainerait automatiquement des problèmes de salissements plus difficiles à contrôler sans labour car les vers de terre ne consomment pas les plantes vertes et le pourrissement dégradera l’humus.

Le choix du non-labour lui permet de conserver une vie bactérienne importante dans ses sols. Ne pas retourner les sols laisse les bactéries anaérobies en profondeur et les bactéries aérobies à la surface. Lors de l’apport de substrats organiques, la minéralisation s’effectue ainsi beaucoup plus rapidement !

L’ensemble de ses itinéraires techniques lui permet d’augmenter considérablement le taux d’humus dans ses sols. L’humus ayant une capacité d’adsorption 3 fois supérieure à l’argile, ses sols peuvent bien mieux stocker des éléments tels que le nitrate, le souffre et le bore, polarisés négativement. La différence est flagrante : entre des sols de structures proches et ayant respectivement des taux d’humus de 3,3% et de 5,6%, la différence de rendement est de 20 quintaux par hectare ! Dans le premier cas, on retient 650 m3 d’eau, contre 1630 dans le second cas !

La fertilisation peut se faire de deux manières. Le compost préalablement préparé peut être épandu juste avant le semis. Une autre option serait de créer des pellets à partir de ce même compost et de l’intégrer lors du semis.

Le sol est ensuite fraisé sur 3 centimètres, puis les résidus coupés et laissés sur place. Le sol peut ensuite être travaillé sur 4 centimètres maximum. Un premier passage de rouleau permet de fermer hermétiquement le sol en créant de la terre fine. L’humidité est conservée.

Le semis est effectué avec un HORSCH Pronto DC modifié. Les disques ont en effet été remplacés par des socs pattes d’oie. Cela permet de couper les dernières repousses de céréales avant le semis. Une autre modification a été faite sur la herse traditionnelle du Pronto, permettant de mieux fermer le sol et de ramener en surface les racines. Le sol est roulé une dernière fois pour éviter les pertes d’azote et la stimulation des adventices.